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Rome, il a averti les journaux religieux qui se publient ailleurs. Il a fait plus encore, il n’a point hésité à ramener, d’une main ferme, à la discipline, un prince de l’église, le cardinal Pitra, auteur d’une lettre qui était un vrai manifeste de cléricalisme à outrance, une déclaration de guerre contre tous les catholiques suspects de libéralisme. Les journalistes ont subi la censure qui leur a été infligée ; le cardinal Pitra s’est soumis. Léon XIII, en arrêtant des manifestations compromettantes pour l’église, a une fois de plus attesté sa prudence. Est-ce donc que ces actes du successeur de Pie IX soient le signe d’une évolution de la politique pontificale, et particulièrement, comme on l’a dit, d’une réconciliation prochaine du généreux pontife avec l’Italie nouvelle, du Vatican avec le Quirinal ? Cette réconciliation, l’Italie ne la désire peut-être pas bien vivement et la cour de Rome a trop le sentiment traditionnel de son rôle parmi les nations catholiques pour ne pas rester dans sa sphère supérieure et indépendante, dût-elle en souffrir. Il est plus que probable qu’on s’est trop hâté de chercher des mystères là où il n’y en a pas, que rien n’est changé au Vatican. Léon XIII s’est montré tout simplement dans cette circonstance ce qu’il n’a cessé d’être depuis son avènement, un pape plein de circonspection et de mesure, prévoyant pour les intérêts religieux, évitant tout ce qui est extrême, assez habile pour négocier avec son temps et assez ferme pour réprimer les intempérances qui peuvent se produire sous le nom de l’église. Ce que Léon XIII a fait est l’acte de volonté d’un pontife politique qui n’entend pas plus se soumettre à de dangereux amis que rendre les armes de la papauté devant ses ennemis, et dans ces termes les derniers incidens du Vatican ont certes autant d’importance qu’un changement ministériel.

Comme l’Italie, comme l’Angleterre, l’Espagne, elle aussi, a eu sa crise, qui a éclaté, il y a quelques jours, à Madrid, qui se complique de l’émotion causée par un fléau meurtrier autant que des ressentimens passionnés des partis, et qui n’est peut-être pas encore finie quoiqu’elle ait paru un moment s’apaiser. Le ministère conservateur, présidé par M. Canovas del Castillo, est certainement dans une situation difficile. Il a, il est vrai, une majorité dans les chambres, il a la force que lui donnent le talent, la confiance du roi, et la volonté de rester un ministère strictement constitutionnel ; mais il a contre lui une opposition ardente et croissante, formée de tous les partis plus ou moins libéraux, depuis la gauche dynastique jusqu’aux républicains, qui se coalisent le plus souvent et qui, naturellement, dans la guerre dont ils le poursuivent, se servent de tout ce qui peut émouvoir l’opinion et lui créer des embarras. Cette opposition, elle s’est manifestée d’abord surtout contre le ministre de l’instruction publique, M. Pidal, qui a été accusé d’être au gouvernement l’appui et le