Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 70.djvu/530

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pilsener Rier, de la bière de Pilsen, on joue au billard. Ceci est l’avenir : activité dans la production, imprévoyance ou insanité dans la consommation. Enfin passent fièrement à cheval ou en voiture découverte des officiers élégans et d’une tenue ravissante : c’est l’occupation et l’Autriche.

En repassant le pont de la Save, je me rappelle que c’est d’ici que partit le prince Eugène pour sa mémorable expédition de 1697. Il n’avait que cinq régimens de cavalerie et 2,500 fantassins. Suivant la route qui longe la Bosna, il s’empara rapidement de toutes les places, Oboj, Maglaj, Zeptche, même du château-fort de Vranduk, et il parut devant la capitale Serajewo. Il espérait que tous les chrétiens se lèveraient à son appel. Hélas! écrasés par une trop longue et trop cruelle oppression, ils n’osèrent pas remuer. Le pacha Delta-ban-Mustapha se défendit avec énergie. Eugène manquait d’artillerie de siège. C’était le 11 septembre, l’hiver approchait. Le hardi capitaine dut battre en retraite, mais il regagna Brod presque sans perte. L’expédition avait duré vingt jours en tout. Le résultat matériel fut nul ; mais l’effet moral très grand partout. Il révéla la faiblesse de cette formidable puissance qui la veille encore assiégeait Vienne et faisait trembler toute l’Europe. L’heure de la décadence avait sonné. Cependant, récemment encore les begs musulmans de la Bosnie traversaient la Save et venaient faire des razzias en Croatie. Le long de la rive autrichienne s’élèvent sur quatre hauts pilotis, afin de les mettre à l’abri des inondations et d’étendre le rayon d’observation, des maisons de garde, où les régimens frontières devaient entretenir des vedettes. Ce n’était pas une précaution inutile. De 1831 à 1835, le général autrichien Waldstätten lutta contre les begs bosniaques, et il fut amené ainsi à bombarder et à brûler Vakuf, Avale, Terzac et Gross-Kladusch, sur le territoire ottoman, le tout sans protestation de la Porte. Même en 1839, Jellatchitch eut à repousser les incursions des begs, qui traversaient la Save, brûlant les maisons, égorgeant les hommes, emmenant les troupeaux et les femmes. Ces razzias, dans les quinze dernières années où elles ont eu lieu, occasionnèrent pour près de 40 millions de francs de dommages aux districts croates limitrophes. C’est hier encore et en pleine Europe que se passaient ces scènes de barbarie, que la France n’a pu tolérer à Tunis, ni la Russie dans les khanats de l’Asie centrale.

Avant de m’engager dans la Bosnie, je veux connaître son histoire. Je m’arrête quelques jours à Brod, pour étudier les documens et les livres qu’on a bien voulu me donner et parmi lesquels les suivans m’ont été particulièrement utiles : G. Thoemmel, das Vilajet Bosnien; Roskiewitz, Studien über Bosnien und Herzegovina; von Schweiger-Lerchenfeldt, Bosnien ; et enfin, un ouvrage excellent :