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magnifiques. Grand nombre de mosquées, dont une avec le dôme typique. La ligne convexe du dôme et la ligne verticale du minaret me paraissent offrir une silhouette admirable d’élégance et de simplicité, surtout si à côté s’élève un bel arbre, un palmier ou un platane. Le profil de nos églises n’est pas aussi beau; c’est à peine si celui du temple grec lui est supérieur. A la gare de Zetpche, comme à presque toutes les autres, des maçons italiens travaillent. Des Piémontais extraient, des carrières, des pierres d’un calcaire très dur et d’une belle nuance jaune dorée : c’est presque du marbre. La voie traverse un magnifique défilé, que défend le château-fort de Vranduk. Il n’y a place que pour la Bosna. Nous la côtoyons, avec des déclivités très raides à notre gauche. Elles sont complètement boisées. J’y remarque, parmi les chênes, les hêtres et les frênes, des noyers qui semblent venus spontanément, ce qui est exceptionnel en Europe. De beaux troncs d’arbre gisent à terre, pourrissant sur place. Le bois est surabondant, parce que la population et les chemins manquent. La Bosna fait un nœud autour du rocher à pic sur lequel se trouve Vranduk. Les vieilles maisons de bois sont accrochées aux reliefs des escarpemens; c’est le site le plus romantique qu’on puisse voir. La route, coupée dans le flanc de la montagne, passe à travers la porte crénelée de la forteresse. On formait la garnison de janissaires en retraite. L’ancien nom slave de ce bourg, Vratnik, signifie « porte. » C’était, en effet, la porte de la Haute-Bosnie et de Serajewo. Les grenadiers du prince Eugène la prirent d’assaut, et les Turcs, en fuyant, se jetèrent dans la rivière.

Bientôt nous entrons dans la belle plaine de Zenitcha. Elle est extrêmement fertile et assez bien cultivée. Bourg important, et qui a de l’avenir ; car, tout à côté de la gare, on extrait de la houille presque du sous-sol. Ce n’est guère que du lignite ; cependant il fait marcher notre locomotive; il pourra donc servir de combustible aux fabriques qui surgiront plus tard. La ville musulmane est à quelque distance. Déjà, le long de la voie, s’élèvent des maisons en pierres et un hôtel. Des dames, en fraîches toilettes d’été, sont venues voir l’arrivée du train. La malle-poste autrichienne arrive de Travnik par une bonne route, nouvellement remise en état. N’étaient quelques begs qui fument leurs tchibouks, immobiles et sombres à l’aspect des nouveautés et des étrangers, on se croirait en Occident. La transformation se fera vite partout où arrivera le chemin de fer. Pour atteindre Visoka, on traverse un nouveau défilé, moins étranglé, mais plus étrange que celui de Vranduk. De hautes montagnes enserrent de près la Bosna des deux côtés. Les escarpemens de grès qui les composent ont pris, sous l’action de l’érosion, les formes les plus fantastiques. Ici, on dirait des géans debout, comme