trous, des lacunes dans l’exposé des transformations du personnage principal, cette Pauline, qui commence par se montrer vaine et ambitieuse, pour devenir esprit fort ensuite et s’éprendre follement à la fin de l’homme qui devrait être le moins sympathique à une raisonneuse de son espèce. Les prétendues inconséquences féminines ont souvent des causes secrètes, plus sérieuses qu’on ne croit et nous ne demanderions pas mieux que d’en avoir la clé, mais cette clé, M. Fawcett ne nous la donne guère et il nous laisse, en somme, sous l’impression que son héroïne a plus de bonheur qu’elle n’en mérite. N’a-t-elle pas fait d’abord un fort vilain mariage? Ce roman nous apprendrait, si nous ne le savions déjà, qu’en Amérique, du côté des femmes, le mariage est assez rarement décidé par des questions sentimentales, qu’il est plutôt, comme en Europe, un simple marché où l’on tient compte de l’argent d’abord, puis du nom, de la famille. Et le marché est infiniment plus choquant aux yeux des moralistes qu’il ne saurait l’être dans les vieux pays historiques, l’Américaine n’ayant rien de commun avec certaines brebis passives, obéissantes, qui se laissent donner sans amour. Cette soumission de la faiblesse et de l’innocence peuvent être ailleurs la suite d’habitudes féodales et cloîtrées, la conséquence des souvenirs de verrous et de grilles, l’héritage de l’oppression sous toutes ses formes, mais dans un pays où les préjugés et les superstitions sont inconnus, où les filles savent si bien calculer, se défendre et même attaquer au besoin, le mariage ne devrait être, logiquement, que le résultat d’un libre choix du cœur. Ces demoiselles, cependant, jurent fidélité à un somptueux hôtel et à de fringans équipages, beaucoup plus qu’au pauvre diable qui, lui, s’est laissé prendre tout bonnement à leur beauté.
Du moins est-il impossible de s’intéresser au mari de Pauline. S’il y a une victime, c’est ici l’imprudente jeune fille qu’une mère sans fortune a bercée de l’idée qu’elle devait employer ses charmes à trouver un beau parti. Pauline sait par expérience quel ennui il peut y avoir à compter sur la libéralité de quelque parente riche, qui croit être magnifique en vous offrant une méchante robe ou une douzaine de paires de gants ; son orgueil se révolterait volontiers contre les dons de cette nature, mais il s’agit d’être aussi bien mise que telle ou telle héritière. Sa mère, maladive et pressée de l’établir avant de quitter ce monde, excite en elle certaines ambitions qui ne sont que trop promptes à germer dans de jeunes cervelles ; bref, Pauline envient à envisager le mariage au point de vue purement commercial. Elle passe, sans condescendre à s’en apercevoir, auprès de l’amour de son cousin Courtlandt Beekman, un honnête homme qui n’a rien de très brillant, mais qui, sous une apparence d’ironique froideur,