À bord de la Triomphante, rade de Ma-Kung, vendredi 12 juin.
… Ce que j’en ai vu, moi, de cette mort, est bien peu de chose ; l’écrire, c’est presque rabaisser ce malheur en mettant autour des détails trop petits.
C’était hier, à sept heures du soir, — pendant que nous étions à table dînant assez gaîment, — on entendit un canot accoster le bord, et les timoniers dirent qu’il venait du Bayard avec une lettre pour le commandant. Alors il y eut une minute de curiosité impatiente, car ce devait être une communication grave : la paix signée ?.. ou bien la guerre reprise ?..
— Non, rien de tout cela, mais une chose sombre et imprévue : l’amiral était mourant, peut-être mort à cette heure même. Ce canot faisait le tour des bâtimens de l’escadre pour le dire.
Cela se répandit comme une traînée de poudre jusqu’au gaillard d’avant, où les matelots chantaient. Justement ils étaient en train de répéter une grande représentation théâtrale pour dimanche prochain, avec de la musique et des chœurs ; tout cela se tut et les chanteurs se dispersèrent ; une espèce de silence lourd, que personne n’avait commandé, se fit tout seul, partout…
Les gens qui sont en France ne peuvent guère comprendre ces choses, — ni la consternation jetée par cette nouvelle, ni le prestige qu’il avait, cet amiral, sur son escadre. — Dans les journaux,