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l’islamisme. L’occupation avait complètement désorganisé l’organisation judiciaire : les magistrats, tons musulmans et la plupart étrangers au pays, étaient partis. Les tribunaux d’arrondissement (medzlessi temizi) et les tribunaux de district (medzlessi daavi) furent reconstitués au moyen des kadis, mais sous la présidence d’un Autrichien, et à Serajewo fut établie une cour suprême, dont les membres étaient empruntés aux provinces austro-hongroises. Elle recevait tous les appels, afin d’introduire l’unité et la légalité dans les décisions. Maintenant le personnel judiciaire a été presque entièrement renouvelé par l’admission de magistrats autrichiens compétens et parlant le bosniaque. Tout ce qui concerne le mariage, la filiation, les successions a été laissé aux diverses confessions, conformément aux lois existantes, afin de ne pas alarmer les consciences. Le gouvernement édicta successivement un code pénal, un code d’instruction criminelle, un code de procédure civile, un code de commerce et une loi sur les faillites. On alla même jusqu’à codifier les lois concernant le mariage, la famille et les successions, mais on les soumit à l’approbation des autorités ecclésiastiques et, en même temps, on fixa la compétence des tribunaux mahométans du scheriat et les qualifications nécessaires pour en faire partie. L’appel des jugemens du scheriat a lieu devant la cour suprême, mais avec l’adjonction, en ce cas, de deux juges supérieurs musulmans.

Une excellente institution a été créée en vue de rendre l’administration de la justice expéditive et peu coûteuse. Dans chaque district existe un tribunal composé du sous-préfet (Rezirksvorsteher) et de deux assistans élus pour chaque culte par leurs coreligionnaires. Ce tribunal est itinérant, comme les juges anglais ; il va siéger successivement au centre de chaque commune, afin d’éviter les déplacemens aux habitans. Il juge sommairement et sans appel toutes les affaires inférieures à 50 florins, ce qui, dans ce pays primitif, comprend la plupart des litiges. Les paysans, à qui la justice coûtait jadis si cher, sont enchantés et ils ont pris part à la votation avec grand entrain. On dit du bien des élus. Le régime de l’élection a donc été inauguré avec succès. La réforme judiciaire est un bienfait inestimable ; car il n’y a rien de pire pour un pays que l’impossibilité d’obtenir prompte et bonne justice. Un fait important prouve les avantages qui résultent de la sécurité garantie à tous. Les kmets commencent à acheter la propriété aux petits propriétaires, aux agas, qui émigrent ou qui se ruinent. C’est cette transformation économique que le gouvernement doit protéger. On reproche à l’administration autrichienne ses lenteurs et ses tergiversations. Ici, au contraire, elle s’est avancée dans la voie des réformes d’un pas rapide et sûr, et elle parait avoir complètement réussi. Ce qui a été accompli de travail dans cette seule branche est incroyable.