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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/364

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un prêtre bâtard de prêtre, » c’est assez d’un prince de sa maison uni à une Borgia, à Lucrèce, divorcée dans des conditions scandaleuses ; il refuse énergiquement toute nouvelle alliance.

Le roi de France qui a conçu le projet de la conquête du Napolitain, va combler les vœux du saint-siège. En effet, Louis XIII s’avance en solliciteur ; il demande la dispense qui lui est nécessaire pour répudier Jeanne de France et épouser la reine Anne, veuve de son prédécesseur ; elle lui apporte en dot et sa beauté et son duché de Bretagne. Le Vatican lui fera payer cher cette faveur. César « follement attaché à son titre de Valence, » doit y renoncer en abandonnant la carrière ecclésiastique : par une combinaison étrange, à la fois le fait du hasard et celle de son idée fixe, il peut aspirer à l’investiture de la comté de Valence en Dauphiné, érigée pour lui en duché. Le cardinal espagnol deviendra duc français avec le même titre. On stipule en même temps pour lui une alliance royale faite sous les auspices de Louis XII. C’est le prologue de l’entrée de Borgia à Chinon, porteur de la dispense pontificale, si joliment racontée par Brantôme, d’après un témoin oculaire, et c’est aussi le prélude d’un traité d’alliance offensif et défensif entre le saint-siège et la couronne de France. Tandis que le pontife favorisera l’invasion du Milanais et la reprise du Napolitain, Louis XII, par réciproque, aidera Alexandre à conquérir les Romagnes et à reconstituer le domaine temporel. On dirait que César sent que sa vie sera courte et que ses destinées seront rapides, car toute cette intrigue se noue et se dénoue pendant le temps qui s’écoule entre les premiers jours de 1498 et le 14 août, date de la décision du consistoire. Tout est préparé à l’avance ; Villeneuve, l’envoyé du roi de France, porteur des patentes ducales pour César, débarque à Ostie le matin même du jour où celui-ci, dans une humble attitude, avec une déférence marquée pour ses pairs, se présente au sacré collège pour la deuxième fois, demandant qu’on le relève de ses vœux.

Mais l’Espagne a pénétré cette intrigue ; dans César laïque, devenu l’allié du roi de France, elle voit à la fois un danger pour Naples et pour Castille. Garcilaso, l’ambassadeur, proteste ; il va rallier sans doute quelques partisans au roi catholique ; Alexandre VI se lève et invoque un argument vainqueur. Il est de notoriété que la vie privée du cardinal de Valence est un sujet de scandale ; la sécularisation s’impose donc « pour le salut de cette âme. » D’ailleurs, on distribuera aux personnages agréables à la couronne d’Espagne les bénéfices actuellement vacans, et ceux auxquels doit renoncer le cardinal de Valence, bénéfices qui, à eux seuls, montent à 35,000 florins d’or. L’argument est sans réplique. Villeneuve franchit les portes de la ville, il remet les patentes royales ; au printemps suivant, César épousera une des filles d’honneur de la reine de France, Charlotte