Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

premier soin est de faire distribuer de l’argent, par son clergé, aux confesseurs qui sont encore dans les cachots et aux pauvres qui n’avaient pas fait défection, mais à ceux-là seulement. C’est une réserve naturelle, mais en même temps bien remarquable ; car elle fait voir que cette puissante association de l’église chrétienne avait à sa disposition, et on peut dire à sa solde, une multitude affamée, qui avait absolument besoin d’elle ; c’étaient des enrôlés, pour qui être confesseurs était véritablement faire leur métier. A l’argent qu’il ramassait l’évêque ajoute ses propres offrandes. Il envoie aussi des anciens et des diacres visiter les cachots et y donner aux prisonniers, avec les secours dont ils ont besoin, la communion et la parole sainte. Il ne faut pas, dit-il, s’y porter en foule ; les anciens et les diacres surtout devront être discrets et ne se présenter que doux à deux, pour ne pas risquer d’irriter les gentils et de se faire interdire l’entrée. Elle n’était donc pas interdite, et l’église avait là-dessus toute liberté, avec la seule précaution d’être discrète.

Il adresse aussi des lettres à ceux qui ont souffert, où il exalte leur dévoûment et leur courage. Dans la première de ces lettres, il n’est question que du cachot ; les rigueurs n’étaient pas encore allées plus loin. Mais ce cachot était déjà quelque chose d’horrible. On y était plongé dans des caveaux sans lumière, où on gelait de froid ou bien on étouffait de chaleur ; on n’y avait quelquefois ni à manger, ni à boire ; plusieurs n’y résistaient pas, étaient malades ou mouraient. Leur évêque ne les loue pas seulement ; avec l’enthousiasme de la foi, il les félicite de leur bonheur, et il leur souhaite d’atteindre définitivement à la couronne, comme deux d’entre eux qui sont morts. Nous, qui sommes plus calmes, nous nous étonnons de cet élan, en pensant qu’il écrit ainsi de sa retraite ; mais tous étaient menacés, et surtout nous ne pouvons oublier que, si peu d’années après, celui qui glorifie aujourd’hui ceux qui souffrent sera frappé à son tour.

Une pareille lettre récompensait déjà les victimes et les préparait à de nouvelles épreuves en exaltant leur orgueil. Comme il souffre de ne pas les revoir ! de ne pouvoir baiser ces bouches qui viennent de confesser si glorieusement le Seigneur, et de ne pas rencontrer ces regards, dignes maintenant de contempler Dieu même ! Il a des hommages particuliers pour les femmes qui se sont associées à la gloire des confesseurs, pour les enfans, qui à leur tour n’ont pas été moins braves que les hommes. C’est l’ordre du jour après la bataille, et quand une autre bataille est prochaine.

En effet, après un court relâche, il y eut une recrudescence de la persécution, et elle ne s’arrêta pas à l’épreuve du cachot. Cette