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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/51

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ces temps mauvais, par les angoisses des consciences, et la peur de la damnation ; mais il croit et il raconte sérieusement des contes absolument puérils, triste témoignage que ces derniers temps de l’empire romain, qui sont l’âge héroïque de l’église, étaient déjà, au vrai sens du mot, des temps barbares.

Le discours sur les Tombés se termine naturellement par la promesse du pardon, quand il aura été mérité ; mais dans les dernières paroles, la promesse va plus loin que le pardon. Ceux qui dans le repentir auront fait assez pour que Dieu leur soit tout à fait propice, il les récompensera en leur donnant le courage, pour le jour d’un nouveau combat où ils auront l’honneur de la victoire. L’idée de présenter à ses fidèles une telle espérance fait sentir l’état d’exaltation où il vivait lui-même et où il entretenait les âmes. Et en même temps on voit par là que l’église se sentait toujours menacée. Elle ne cessa de l’être en effet jusqu’à la mort de Cyprien, et ce n’est qu’après ce grand coup qu’elle retrouve la paix pour un tiers de siècle, en attendant Dioclétien.


II. — CYPRIEN ET LES SCHISMATIQUES, CYPRIEN ET ROME.

On a vu dans ce qui précède que la lutte contre les gentils et leurs persécutions n’était pas la seule qu’un évêque eût à soutenir ; il lui fallait lutter, dans son église même, contre ceux qui méconnaissaient son autorité, et c’était là une épreuve moins éclatante, mais non pas moins difficile. L’évêque n’ayant de pouvoir que sur les esprits, la désobéissance était facile, et elle pouvait aller jusqu’à la séparation (c’est ce que veut dire le mot grec schisme), c’est-à-dire jusqu’à la révolte. Elle éclatait quand les dissidens refusaient de communier avec l’évêque et ses fidèles, qui les rejetaient à leur tour de leur communion, comme il arriva pour ces cinq anciens de Carthage soulevés par le diacre Félicissime. Ce pouvait être aussi l’évêque qui le premier refusait la communion à des insoumis, lesquels, au lieu de céder, acceptaient cette exclusion et excluaient à leur tour l’évêque. Il se formait ainsi, à côté de l’église principale, une petite église, mais qui pouvait grandir, si l’opinion publique venait à prendre parti pour elle. Ce ne fut pas sans peine que Cyprien put conjurer ce péril, qui le menaça longtemps encore.

On comprend cependant que l’église attaquée par le schisme pouvait avoir de grands avantages sur la faction qui l’attaquait. D’abord elle était, tandis que l’autre tâchait d’être : puis elle disposait de ressources d’argent considérables, qui tenaient toute une population