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de conforme au développement de la société et ce qui peut s’y mêler d’injuste. C’est dans le sens de certains avantages faits aux métayers que la question se résoudra nécessairement d’une manière générale, ou bien il y aura fort à craindre pour l’avenir du métayage lui-même. Nous pourrions citer des exemples qui montreraient ces concessions qui donnent sous différentes formes au métayer, plus que sa moitié ; le propriétaire y a plus gagné que perdu en s’attachant de bons auxiliaires. Cette perspective peut paraître médiocrement agréable aux propriétaires, qui trouvent peut-être de fort mauvais goût une loi économique assez mal venue pour venir se joindre à trop d’autres difficultés ; nous ne croyons pas pourtant qu’il y ait lieu de s’en alarmer, cette plus-value du travail sous toutes les formes de rémunération ne leur causera jamais autant de sacrifices qu’ils trouveront d’augmentation de sécurité et de revenu dans un métayage solidement constitué et suffisamment pourvu de moyens d’attirer et de retenir son personnel.

Il n’y a pas, en somme, de difficultés insurmontables dans l’appropriation du métayage au temps présent. L’état des esprits ne présente pas non plus d’obstacles invincibles. Les préventions fâcheuses, tant économiques que politiques, ont chance, si l’intérêt et la raison comptent pour quelque chose, d’aller s’atténuant de plus en plus. A un mouvement d’indépendance presque farouche peut succéder ici comme ailleurs un mouvement vers l’association. Pourquoi ce qui a lieu dans l’industrie n’aurait-il pas lieu aussi dans l’agriculture, moins la haine du propriétaire et du patron? On peut renouer avec la tradition sans refaire le passé. La crainte de voir renaître les abus de l’ancien métayage n’est plus qu’un moyen de polémique dont on ose à peine se servir et auquel il reste tout au plus à enlever quelques prétextes. Ne peut-on se dire ici que ce qui meurt, c’est ce qui est factice, artificiel et ce qui ne répond qu’à un besoin momentané ; que ce qui survit, ce sont les libres arrangemens fondés sur des convenances durables ? Il nous a paru que le métayage rentrait dans cette catégorie et pouvait s’adapter aux nécessités actuelles. Il y a ainsi en agriculture de bien vieux instrumens, qu’on ne supprime pourtant ni ne remplace par d’autres, la charrue par exemple. La tradition les conserve et les perpétue, le progrès les perfectionne.


HENRI BAUDRILLART.