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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/653

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les chefs secondaires, au damel ou aux almamys, fortifient leur pouvoir ; mais le chef reconnu par nous s’engage à « gouverner avec justice, à protéger les cultivateurs, les bergers et, en général, les gens paisibles qui vivent de leur travail, à faire tout son possible pour assurer la prospérité de son pays, reconnaissant qu’il n’est roi que pour cela » (traité avec le damel du Cayor). Ce pouvoir nouveau, nous entendons le faire servir à l’établissement d’un état de choses régulier. A cela nous trouvons un bénéfice immédiat, car le développement de notre commerce est en raison directe du bien-être de la population et du développement de la production. La constitution de véritables états, vassaux de notre colonie, nous la favorisons encore en créant à ces potentats indigènes ce qu’ils n’ont jamais eu avant nous : des finances, un budget. Nous tarissons les sources impures dont s’alimentait autrefois leur trésor : le brigandage et la traite ; mais nous leur assurons un revenu régulier par la perception des droits de douane et quelquefois par des subventions directes. En un mot, nous commençons par créer cette société noire avec laquelle nous entendons trafiquer.


II.

Depuis les voyages de Mungo-Park (1795-1805), de René Caillé (1826), de Barth (1853), sur le cours supérieur du Niger, de Clapperton (1826), de Richard Lander (1830-1832) sur le cours inférieur, on sait à quoi s’en tenir sur ce fleuve encore inconnu au XVIIIe siècle. Il prend sa source au Fouta-Djalon, décrit un énorme arc de cercle dont un point septentrional est marqué par Tombouctou, cette ville dont Caillé et Barth ont levé tous les voiles ; puis il coule du N.-O. au S.-E., et enfin, se repliant à l’ouest, va se jeter dans le golfe de Guinée. On peut lui attribuer 3,500 kilomètres de développement : 900 de plus que le Danube, 1,050 de plus que le Rhin. Il atteint des largeurs de plus de 1,000 mètres. Il parcourt une région fertile, d’une population très dense, qu’on peut évaluer à 40 ou 50 millions d’habitans ; il est occupé par des états à demi policés, et son bassin constitue un des plus riches marchés du monde. Ce sont les Indes noires de l’Afrique.

Les Anglais, ainsi qu’il résulte de leurs déclarations à la récente conférence de Berlin, ont occupé le cours inférieur du Niger ainsi que son affluent méridional, la Binué. Seulement il y a, près du lieu marqué Boussa sur les cartes, nom qui précisément signifie cataracte, des rapides d’une telle violence et d’une si grande