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étaient restées si démoralisés qu’elles essayèrent à peine une résistance; quand on eut tiré environ 3,000 coups de fusil, elles se dispersèrent sans qu’il fût possible à leur chef de les rallier. Celui-ci courut sans s’arrêter jusqu’à Bankoumana. Son camp fut pris et brûlé, et, dès lors, les travaux de Bammako ne furent plus inquiétés. Le capitaine Piétri et le commandant Boilève furent expédiés aux trousses de Fabou : Nafadié, Dialiba, Krina, Kroussalé, Bankoumana, où il avait essayé de se reformer, se soumirent ou furent brûlés. Pendant ce temps, de Kita, le capitaine Monségur dirigeait des colonnes volantes, d’un très faible effectif, sur les régions environnantes. A Koumakhana, les habitans s’enfuirent rien qu’en entendant sonner nos clairons. Le gros village de Naréna, qui par peur avait reconnu l’autorité de Samory, se soumit sans résistance.

Telles furent les trois campagnes sur le Niger. Elles ont ajouté de glorieux épisodes à nos fastes militaires et, si lointain qu’en soit le théâtre, la mère patrie ne doit pas les oublier. Dans la première campagne, assaut de Goubanko, fondation de Kita. Dans la seconde, combat de Kéniéra, prise de possession du Niger. Dans la troisième, chute de Mourgoula, assaut de Daba, combats d’Oueyako, fondation de Bammako. Une colonie supérieure en étendue à l’ancienne Sénégambie était fondée sur le Haut-Sénégal et le Haut-Niger. La fermeté et la prudente audace du colonel Borgnis-Desbordes, la brillante valeur des Combes, des Marchi, des Piétri, des Gasquet, des Boilève, la solidité et l’endurance de nos soldats d’infanterie de marine et d’artillerie, sont l’honneur de notre armée européenne; le courage et la fidélité dont firent preuve nos auxiliaires noirs, spahis, tirailleurs, laptots, montrent la solidité de l’œuvre accomplie là-bas.

Depuis lors, l’étroitesse des crédits accordés par les chambres n’a pas permis de donner plus de développemens aux opérations militaires. On a dû se borner à des expéditions de ravitaillement qui n’ont donné lieu à aucun incident notable, car aucun de nos forts n’a été attaqué. En 1883, le colonel Boilève a encore conduit une colonne à Bammako : entre ce port et celui de Kita il a fait élever une forteresse à Koundou. Plus récemment on en a construit une à Niagassola. En mai 1884, une canonnière à vapeur, construite par ordre de M. Dislère, alors directeur des colonies, a été lancée sur la grande artère soudanienne ; elle porte un nom plein d’espérance : le Niger. Actuellement elle est en route pour Ségou et pour Tombouctou. Le bruit des exploits de notre petite armée s’est répandu dans cette dernière ville, et Paris a eu récemment le spectacle nouveau d’un ambassadeur de Tombouctou venant solliciter l’amitié de la France. Notre influence s’étend aussi vers les sources du Niger, et, en avril de cette année, le capitaine Combes a conclu un traité de protectorat avec le Bouré, une des régions aurifères du Soudan.