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REVUE LITTÉRAIRE

LES CAFÉS-CONCERTS ET LA CHANSON FRANÇAISE.

Puisque je vais en parler, ne devrais-je pas peut-être établir d’abord que de tous les documens qui servent à éclairer la psychologie d’une race et d’une civilisation, le plus précieux et le plus révélateur est la chanson de café-concert : Estelle, lu perds ta flanelle, ou J’suis pas fâché d’y avoir dit ça ? Et les argumens ne me manqueraient pas ; quand ce ne seraient que ceux que nos érudits font valoir pour nous imposer l’admiration de leurs vieux fabliaux, ou la lecture encore de ces insipides vaudevilles qui faisaient, disent-ils, après boire et portes closes, les délices de nos pères. Fabliaux et mazarinades, couplets historiques, politiques, ou prétendus tels, et chansons de café-concert, tout cela procède, en effet, dans le présent et dans le passé, de la même inépuisable veine. Quiconque se plaît aux uns n’est pas digne de se déplaire aux autres. Et, puisqu’il n’y a rien de plus grossier ni de plus plat dans le répertoire de l’Alcazar ou de l’Eldorado que dans le Chansonnier Clairambault-Maurepas ou dans le Recueil général et complet des fabliaux des XIVe et XIVe siècles, il faut bien convenir que le Pantalon de Timoléon et le Corsage à Clara sont des documens, eux aussi, ou que, s’ils n’en sont pas, rien au monde ne saurait mériter désormais l’honneur de ce beau nom. Mais ils en sont ; et, pour une demi-douzaine seulement de ces refrains :


Tu sais, si t’as des poches,
Mon pauv’ vieux, moi j’ te l’ dis franch’ ment :
Fouill’ toi délicat’ ment,
Fouill’ toi délicat’ ment
Pendant un p’ tit moment ;