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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/707

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Par le travail qui fait le vrai mérite,
On est un homme honorable en tout lieu ;
Sainte sueur! Tu vaux bien l’eau bénite!
Voilà comment mes enfans prieront Dieu.


Ces chansons se chantent-elles? Je n’oserais en répondre. Sont-elles d’hier? ou déjà vieilles de quelques années? je ne pourrais le dire. Mais il me suffit qu’elles figurent dans ces cahiers de chansonnettes : Refrains gaulois, Album de la nouvelle chanson, Refrains de la Lice, que l’on vend dans les rues pour deux sous, que l’on colporte à travers les campagnes, et dont on ne saurait s’imaginer le débit. Et je ne crois pas que l’on puisse disputer à Béranger l’honneur de les avoir inspirées, puisque c’est justement de ce genre de chansons qu’on le loue quand on le loue d’avoir a élargi » la chanson de ses prédécesseurs, la chanson de Désaugiers, de Collé, de Panard, etc.

C’est dans les mêmes cahiers que je trouve les chansons humanitaires ou socialistes : la Fête des Drapeaux; le Travail affranchi; le Bataillon de Belleville; le Prolétaire; la Rue au pain. Deux citations suffiront à indiquer la note :


Paix et Gloire à l’humanité !
Nos mains brisent le fer qui tue.
Sur son socle la Liberté
Prend pour emblème une charrue.
Sous l’étendard aux trois couleurs
Buvons à l’oubli des querelles ;
La République attend des cœurs
Pour ses agapes fraternelles.


C’est un couplet du Bataillon de Belleville; en voici un du Prolétaire :


Sur le duvet tu trames quelle intrigue!
Quand l’ouvrier sur un chétif grabat
Ne peut dormir accablé de fatigue.
A la moindre alarme il est prêt au combat.
Pour son pays toujours à se résoudre,
A la victoire il fut l’un des premiers.
Tout comme toi il ne craint pas la poudre,
Incline-toi, riche, devant l’ouvrier.


L’étrange facture de ce couplet ne paraîtra pas sans doute moins intéressante que le sentiment qu’il exprime ; quant à cette manière de « boire à l’oubli des querelles, » on ne saurait nier qu’elle soit éminemment française.

Ces chansons se fredonnent, mais ne se chantent pas, je crois, dans nos cafés-concerts, ou du moins, comme autrefois la Marseillaise, elles ne s’y chantent qu’aux grandes occasions : jours de trouble, soirs d’émeutes,