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Plusieurs refusaient de baptiser les enfans aussitôt après leur naissance, et voulaient attendre huit jours, comme pour la circoncision de l’ancienne loi (lettre 64). Enfin, dans plusieurs églises, on communiait à l’office du matin avec de l’eau pure, et non avec du vin mêlé d’eau (lettre 63). Cyprien est consulté sur toutes ces difficultés et les discute, mais elles ne paraissent pas avoir agité sa vie ni causé de troubles sérieux ; je ne m’y arrêterai pas.

En même temps qu’il écrivait ses lettres, qui sont des actes, Cyprien a écrit aussi des livres, à l’occasion des grandes divisions de l’église. C’est ainsi qu’à la fin d’une lettre aux confesseurs de l’église de Rome (lettre 54), il les renvoie à un écrit où il a développé, « autant que le lui a permis la médiocrité de son talent, » l’unité de l’Église catholique. Cet écrit a une vingtaine de pages, comme le livre des Tombés, et c’est à peu près aussi l’étendue des autres écrits de Cyprien[1] : ce ne sont guère que des discours. Ils sont d’ailleurs tous composés de la même manière, et celui-là pourrait nous suffire pour étudier l’écrivain.

Cyprien est un homme de gouvernement plutôt qu’un homme de doctrine, et il ne discute guère les questions de doctrine qu’à la suite de Tertullien, dont il consultait sans cesse les livres, en disant : « Donne-moi le maître[2]. » Il n’a traité qu’après lui de l’Habillement des vierges, de l’Oraison, de la Patience ; et s’il n’y a pas de livre de Tertullien intitulé : de l’Unité, Cyprien, cependant, s’est inspiré du livre des Prescriptions, écrit pour établir cette unité, en combattant les hérésies et les schismes, maladies qui s’étaient développées dans l’église vers le temps d’Antonin. C’est là qu’il nous : montre Jésus-Christ établissant son église par les apôtres, et cette église multipliant de tous côtés ses rejetons, sans cesser d’être la même ; « de sorte que tant d’églises n’en sont qu’une seule, qui vient d’abord des apôtres, et d’où toutes les autres viennent. » C’est aussi le thème de Cyprien.

Mais qu’on le remarque bien, cette unité est toute morale ; elle consiste dans une même origine et dans une même foi ; les églises n’en sont pas moins distinctes et indépendantes et ne font pas extérieurement un même corps. Les évêques, qui sont plusieurs, exercent solidairement l’autorité de l’épiscopat, qui est un et indivisible (Unité, 5). C’est ainsi qu’un même soleil épand de tous côtés ses rayons, qu’un même tronc divise à l’infini ses branches et son feuillage, qu’un même fleuve arrose tant de terres de ses eaux.

  1. Sauf les Témoignages, qui ne sont qu’une compilation.
  2. Hieron., De Viris illustribus, 53.