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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/819

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Les deux premières copies de cette proclamation furent adressées : l’une, au comte d’Artois, qui s’empressa d’y répondre en adhérant sans réserve, tant en son nom qu’au nom des princes français réfugiés en Angleterre, aux doctrines et aux promesses qu’elle contenait ; l’autre à l’empereur Alexandre, que le roi suppliait d’en accepter le dépôt. Mais, sur ce point encore, une déception lui était réservée : « L’empereur ayant déjà énoncé précédemment son opinion sur l’entrevue de Calmar et sur les résultats qu’elle pourrait avoir, écrivait à d’Avaray le prince Czartoryski, vous ne serez point surpris, monsieur le comte, de la détermination qu’il a prise relativement à la déclaration que M. le comte de Lille lui a fait parvenir. Mon auguste maître a été sensible à cette nouvelle marque de confiance et se serait fait un plaisir de satisfaire aux demandes qu’elle a motivées, s’il n’avait été convaincu que toute démarche de ce genre et nommément la déclaration telle qu’elle est, loin de produire dans les circonstances actuelles l’effet désiré et attendu, deviendrait une arme contre M. le comte de Lille dans les mains de Bonaparte, si habile à diriger l’opinion publique et à lui donner une impulsion conforme à ses vues. À cette conviction s’est jointe la résolution qu’a adoptée Sa Majesté impériale de ne prendre aucune part aux affaires intérieures de la France. »

En même temps qu’il refusait d’accéder aux demandes de Louis XVIII, l’empereur, soit qu’il voulût entraver l’envoi de la proclamation, soit qu’il se réservât de s’en servir ultérieurement, conseillait, par l’intermédiaire du duc de Serra Capriola, diverses modifications. Il fit même rédiger un mémoire à cet effet. Le rédacteur de ce mémoire, après avoir critiqué la proclamation royale, concluait en démontrant la nécessité d’un manifeste nouveau plus net, plus énergique en ce qui concernait surtout les engagemens et les garanties. Il invitait le comte de Lille à déclarer qu’il n’attendait « que de la libre volonté, de la réflexion mûrie par le malheur le retour des Français à leurs anciens maîtres. »

Le duc de Serra Capriola ne voulut pas transmettre ces conseils à Mitau sans en discuter le fond avec les ministres de l’empereur. Il sollicita même l’avis du comte de Maistre, alors à Saint-Pétersbourg comme envoyé de Sardaigne. L’illustre écrivain prit parti pour le roi de France contre l’empereur avec une rare puissance d’argumens : « Il faut être équitable ; on ne saurait exiger du roi de France qu’il déclare qu’il n’attend la couronne que de la libre volonté des Français et que si la nation le rappelle au trône... Sans entrer à cet égard dans des détails qui me mèneraient trop loin, je me bornerai à signaler deux erreurs qui me paraissent influer trop sur la politique actuelle. La première, c’est que le rétablissement du roi