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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/390

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cependant le bon goût de ne se point rendre trop vite, il prit son temps, louvoya, choisit son moment et finalement réussit, dans une certaine mesure, à sauver les apparences, au moyen d’une petite comédie qui se joua devant l’assemblée, le 5 juin 1792. après avoir été concertée dans la coulisse avec le comité des rapports. Ce jour-là, le président de l’assemblée reçut et lut gravement à ses collègues une lettre dans laquelle Duportail rappelait qu’il avait à plusieurs reprises saisi MM. du comité des rapports de l’affaire de Muscar ; que ce comité lui avait paru penser que l’assemblée nationale, en ordonnant un sursis sans décréter aucune autre disposition ultérieur, avait peut-être eu pour but d’ensevelir dans l’oubli des erreurs commises en un moment de fermentation ; que néanmoins il n’avait pas cru devoir prendre sur lui de proposer au roi la mise en liberté de Muscar ; mais qu’il était prêt, dès que l’assemblée nationale aurait prononcé sur le sort de ce sous-officier, à se soumettre aux ordres qui lui seraient transmis.

Aussitôt, le président s’étant rassis, un membre du comité des rapports apparut à la tribune, un papier à la main ; c’était un projet de décret, tout préparé d’avance, et qui fut naturellement adopté à l’unanimité. « L’assemblée nationale décrète que le sieur Muscar, sous-officier au 71e d’infanterie, sera mis en liberté, conservera le grade qu’il avait dans son régiment, et recevra sa paie entière depuis le jour de son arrestation. « Ainsi finit la captivité de Muscar et tel fut le déuoûment d’un incident qui eut, en son temps, grâce aux proportions que les circonstances lui donnèrent, une véritable importance. Muscar pouvait être fier et s’estimer heureux ; s’il avait subi une trop longue détention, il sortait de prison, somme toute, avec les honneurs de la guerre, il avait contribué, pour sa part, à la chute d’un ministre détesté, servi la cause de la liberté, souffert pour elle ; son nom, naguère ignoré. avait maintes fois retenti dans les débats de l’assemblée, à la Société des amis de la constitution de Paris, et dans la plupart de celles des départemens. Il était populaire et pouvait désormais tout prétendre.

La tête, heureusement, chez ce rude Basque, était solide presque à l’égal du roc de ses montagnes ; elle avait pu lui tourner dans un moment d’effervescence, comme à Marceau, comme à Hoche ; elle lui revint très vite, étant de ceux qui ne se laissent pas prendre deux fois au même piège. Les clubs avaient compté sur lui comme sur une proie facile à saisir et lui préparaient déjà des ovations ; il trompa leur attente, et ce fut le plus simplement du monde, sans éclat, sans tambours ni trompettes, qu’il rejoignit Vivarais. Trois mois après, complètement assagi, guéri de l’éloquence et de la popularité, redevenu l’honnête homme et le soldat