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pouvait acquérir que des élémens de grammaire, de rhétorique et de latin. Il dut pourtant borner là ses études, ses ressources ne lui permettant pas de les poursuivre à l’université. A une époque où tant de bons musiciens, Kuhnau, Mizler, Mattheson, Telemann, étaient par surcroît mathématiciens, jurisconsultes ou philologues, ce défaut de culture constituait une infériorité réelle, et ses collègues de l’école de Saint-Thomas devaient plus tard le lui faire cruellement sentir. Mais Bach avait hâte de se suffire à lui-même. A dix-huit ans, il entre comme violoniste à la chapelle ducale de Weimar. De ce moment la musique l’absorbe tout entier. Sauf quelques voyages d’études, ses pérégrinations à travers les petites villes de la contrée, Arnstadt, Mulhaüsen, Weimar, Coethen, ne sont que les étapes de sa carrière d’organiste. A Arnstadt, il trouve un instrument excellent et des appointemens convenables, mais il ne peut résister au désir d’aller entendre, à Lübeck, le célèbre Dietrich Buxtehude. Parti pour quelques jours, il s’oublie trois mois entiers auprès de son confrère et dédaigne de s’excuser au retour de cette fugue incorrecte. Le consistoire le cita à sa barre pour s’expliquer sur sa conduite. M. Spitta a retrouvé le grotesque procès-verbal où sont consignés les griefs articulés contre l’organiste, notamment l’accusation grave entre toutes d’avoir fait chanter une femme au chœur. Au fond, ces braves gens du chapitre se seraient contentés d’une amende honorable ; par malheur, Bach prit mal la chose et donna sa démission. A Mulhausen, en Thuringe, où on l’accueille à la suite de cet incident, il épouse Marie-Barbe Bach, sa cousine, et presque aussitôt après, il se laisse tenter par l’offre de la place d’organiste à la cour de Weimar. Il y séjourne neuf années pendant lesquelles il commence à se faire connaître comme compositeur. En 1717, le prince Léopold d’Anhalt, qui l’honore d’une particulière amitié, l’emmène à sa cour de Coethen et l’attache à sa personne ; Bach croit enfin toucher au port, quand la mort subite de sa femme en 1720, le mariage de son protecteur en 1722, et l’aversion de la nouvelle princesse pour la musique, le déterminent à accepter les modestes fonctions de directeur du chant (cantor) à l’école de Saint-Thomas de Leipzig. C’est là qu’il passe les vingt-sept dernières années de sa vie, renonçant à toute ambition, réfugié dans le travail, en butte aux mesquines taquineries du recteur de l’école et des autorités locales. Dès 1721, il avait épousé, en secondes noces, Marie-Anne Wülken, fille d’un artiste de la chapelle ducale de Weissenfels et bonne musicienne, dont il utilisa souvent les talens de copiste. Vers 1748, sa vue fatiguée commence à s’altérer sensiblement. L’opération de la cataracte, tentée deux fois inutilement par un oculiste malhabile achève de compromettre sa santé ébranlée. Le 18 juillet 1750, il