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visite pour se faire aimer de lui sous la qualité d’une mortelle. Mais Hylas aime une fillette, la modeste Néère. Tandis que Mercure occupe la pauvrette et la courtise vainement, Hylas résiste à la tentation : qu’il prenne cette beauté engageante pour une princesse déguisée ou qu’elle se révèle déesse, il décline toujours l’honneur de son caprice ; dépitée d’abord et courroucée, elle regagne le ciel en faisant grâce à tant de fidélité et d’amour.

Telle est cette simple légende ; elle vaut surtout par la manière dont elle est contée. Sa langue et sa prosodie ont la correction et l’aisance. Les vers agréables y viennent comme d’eux-mêmes. Sans doute, c’est par l’influence de Diane que sa rivale, Néère, parle si joliment la langue des dieux, et que leur « objet » commun, Hylas, lui répond d’un style pareil :


Car enfin ma beauté ne te fait point honneur,
Et lorsque je me penche au miroir des fontaines,
Je n’y vois qu’un visage aux lignes incertaines,
Une bouche trop grande et des yeux trop petits ;
Nous sommes pour la taille aussi mal assortis :
Je suis la fleur perdue au pied du chêne auguste…
— Qu’on critique mon goût, enfant, je laisse dire !
Petite ou non, ta bouche est le nid du sourire !
Ton front rient au niveau de mon baiser ! Tes yeux
Sont assez grands pour moi, s’ils contiennent les cieux !


Cynthia, naturellement, ne saurait adresser à Hylas de moins harmonieux discours :


J’avais l’éternité, mais non pas la jeunesse !
Toi seul me l’as donnée ! Il faut que je connaisse
L’espérance amoureuse et l’amoureux effroi…
Lorsque tu dors la nuit, sur ton lit de feuillage,
Mes rayons jusqu’à toi tracent un blanc sillage,
Et j’arrête ma course au fond du firmament
Pour les laisser sur toi se poser longuement,..


Et Hylas, d’autre part, ne peut faire moins que de lui dire :


Ta beauté m’éblouit, mais ton rang m’embarrasse !
Je croirais en m’aimant que tu m’aimes par grâce ;
Je croirais, si complet que fût ton abandon,
Que je dois à genoux t’en demander pardon…
Je n’étends pas la main quand le soir est tombé,
Pour saisir dans les cieux le croissant de Phébé ;
L’humble flambeau suffit dans une humble chaumière,
Et Néère en mon cœur fait assez de lumière !


Voilà des vers, sans conteste, ingénieux et charmans. Celui que je vais