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précisément en confiance devant eux. Le nez a quelque chose de lourd dans sa forme. La bouche, aux lèvres minces, est petite et complète l’expression des yeux ; une moustache naissante ajoute à son accentuation. Le menton est fuyant, l’oreille petite ; les joues ont de la maigreur. Somme toute, ce visage ne marque ni la santé physique ni la santé morale. Il n’en est pas moins vivant de cette vie intérieure qui est la vie de l’esprit. Toutes les fibres nerveuses et délicates de l’homme y vibrent à la fois. Quant au costume, il résume les élégances d’un temps où les raffinemens de la toilette allaient chez l’homme jusqu’à l’excès. La toque de velours noir, ornée d’une touffe de légères plumes blanches, est posée de côté sur l’oreille gauche ; un bandeau de pierreries, serties dans l’admirable orfèvrerie française de cette époque, en dessine le contour à la hauteur du front. Une fraise de tulle blanc ruche dépasse le justaucorps, dont le col monte presque jusqu’au menton. Ce justaucorps, formé de bandes de velours noir alternant avec des bandes de broderies d’or, est serré à la taille par une ceinture délicatement ouvragée. Une jaquette de même nuance et semblablement disposée le prolonge et descend jusque sur les rhingraves bouffantes de satin blanc, également brodées d’or. Un manteau court, de velours noir et brodé d’or aussi, est jeté légèrement sur les épaules. Les rhingraves ne vont que jusqu’au milieu des cuisses, qui sont prises, ainsi que les jambes et les pieds, dans des chausses collantes de soie blanche. Les formes du personnage, ainsi dessinées, ont quelque chose de grêle. Des souliers, blancs aussi et brodés d’or, protègent les pieds, qui sont petits. Les bras sont serrés dans des manches étroites de soie blanche agrémentées de fines broderies d’or disposées dans le sens de leur longueur et coupées transversalement par une foule de crevés blancs. Des manchettes de tulle ruche, semblables à la collerette, terminent ces manches à la hauteur des poignets. Les mains sont d’une extrême délicatesse. Elles étaient alors l’objet d’une coquetterie particulière. Charles IX avait hérité des remarquables mains de sa mère, et Brantôme donne à Catherine de Médicis « la plus belle main qui fut jamais veue… Les poètes jadis ont loué Aurore pour avoir de belles mains et de beaux doigts, mais je panse que la reyne l’eût effacée en tout cela… » Un riche collier d’orfèvrerie, portant une croix d’émail blanc enrichie de pierreries, descend sut-la poitrine du roi… Nous insistons sur ces détails, parce qu’ils sont exécutés avec la plus minutieuse exactitude, malgré les grandes dimensions du tableau.

Ce portrait présente un intérêt considérable, et cependant il a quelque chose de froid. Cela tient à ce que le peintre est sorti de son cadre habituel, de celui que la nature et son genre de talent lui