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portrait, sont ici bien plus admirables encore. Elles resteront, dans ce qu’elles ont de délicat et de raffiné, comme une des caractéristiques des œuvres de François Clouet. Il n’y a donc plus rien que d’exquis dans ce petit portrait. Tout y est harmonie, simplicité, clarté. C’est aussi précieux que le plus précieux des Flamands, et c’est avant tout quelque chose d’absolument français. Cette saveur française, on la sent aussi dans le grand portrait du Belvédère, mais elle n’y est qu’à l’état dilué. La même main a peint ces deux tableaux. Nous préférons le petit. Du temps de François Clouet, on attachait sans doute plus d’importance au grand, puisqu’on y a mis le nom du peintre à côté du nom de son roi. Notez que ce n’est pas FRANÇOIS CLOVET qui est au bas de ce tableau, mais IANNET, c’est-à-dire le surnom qu’avait adopté Jean Clouet, père de François, surnom sous lequel la postérité devait les confondre tous les deux. Voilà donc deux portraits authentiques, voilà des types de peinture auxquels on devra soumettre tous les portraits communément donnés à Janet. Les rares tableaux entièrement conformes à ces modèles pourront être attribués à François Clouet ; tout ce qui s’en écartera devra être dénoncé comme ne lui appartenant pas.

C’est en nous astreignant à cette règle que nous signalons, comme ayant été peint aussi par Janet, un autre portrait de Charles IX, que possède encore la maison d’Autriche. Ce portrait appartient au musée d’Ambras. Charles IX y est représenté à l’âge de onze ans. La date de 1561 se lit, en effet, au-dessus de la figure, à droite. C’est un simple buste, coupé à la hauteur des épaules, plus petit que nature, sans être, cependant, réduit à l’état de miniature. Le Charles IX du Belvédère et du Louvre se retrouve, avec neuf ans d’âge en moins, dans le Charles IX enfant de la galerie d’Ambras. La comparaison est d’autant plus facile à faire que, dans ces trois portraits, le visage se présente de la même manière, c’est-à-dire de trois quarts à gauche. Le front, que la toque découvre encore du côté droit, est élevé, ainsi que nous l’avons vu déjà. Les yeux, qui regardent également à droite et en sens inverse du mouvement de la tête, sont plus naturellement ouverts, paraissent plus grands, parce qu’ils ont plus de franchise. Le nez est court et un peu gros ; il restera tel plus tard, quoique avec un peu moins d’empâtement. La bouche est mince, mais les lèvres ne sont pas pincées ; elle est grave, mais sa gravité est plus apparente que réelle, et l’on sent qu’il faudrait peu de chose pour la dérider. Le menton est plus plein qu’il ne sera plus tard, et les joues aussi sont plus grasses. L’oreille est plus grande, et n’a pas encore la délicatesse de sa forme. L’ensemble de la physionomie annonce de la fermeté, mais sans rien d’excessif ni de trop tendu. On sent qu’une bonne bouffée d’air libre suffirait pour chasser cette gravité