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III

Deux choses font un homme, la race et l’éducation. Dans Charles IX, le sang des Valois s’était mêlé au sang des Médicis. Henri II et François Ier, voilà les ascendans directs du côté paternel. Le sang français ici n’est pas suspect. Du côté maternel, c’est tout autre chose. Catherine de Médicis apporte dans la maison de France un sang vicié déjà depuis cent ans. La branche dont elle descendait avait en pour chef au XIVe siècle Silvestre de Médicis, et portait en elle, dès le XVe siècle, une irrémédiable corruption. Pierre Ier de Médicis, né en 1416 de Côme et de contessina Bardi, traîne jusqu’à l’âge de cinquante-six ans (1472) sa vie podagre et goutteuse. Laurent Ier (le Magnifique), fils de Pierre et de Lucrèce Tornabuoni, hérite de la pauvreté du sang paternel ; né en 1448, il meurt à quarante-quatre ans, en 1492. Pierre II, fils de Laurent et de Clarisse Orsini, périt d’une manière pitoyable à trente-trois ans en 1504. Laurent II enfin, fils de Pierre II et d’Alphonsine Orsini, aussi débile que ses ancêtres, épouse en 1513 Madeleine de La Tour d’Auvergne, n’en a qu’une fille, Catherine de Médicis, et s’éteint sans postérité mâle en 1519, à l’âge de vingt-sept ans, dernier rameau d’une branche depuis longtemps flétrie. Voilà les antécédens lamentables de celle qui devait donner naissance à trois de nos rois. Quand François Ier décida ce mariage, il ne pensait pas élever Catherine de Médicis jusqu’au trône de France. Son fils aîné, François duc de Bretagne, vivait encore, et c’est à Henri, duc d’Orléans, qu’il donnait la fille de Laurent II. Mais, le 10 août 1536, le duc de Bretagne mourait. Dès lors Henri passait dauphin et Catherine devenait dauphine. Il était trop tard pour regretter un marché depuis trois ans conclu ; la chose était faite, il fallait bien la trouver parfaite. Elle était détestable, cependant, et plus détestable encore au point de vue de l’hérédité morale que de l’hérédité physique. Assurément, sous le rapport des mœurs, le patrimoine que François 1er avait légué à Henri II et que celui-ci léguait à ses descendans laissait fort à désirer. Ses fils, en s’autorisant de leur père et de leur aïeul, pouvaient beaucoup oser. Cependant, les mœurs des premiers Valois, pour être dissolues, n’étaient pas honteuses, et si elles constituaient un point faible, elles n’avaient rien d’un point mort. L’honneur et la vaillance, d’ailleurs, reléguaient à l’arrière-plan les faiblesses coupables. D’où vint l’énervement de ces vertus royales ? Des Médicis, qui inoculèrent dans le sang de la France le virus dissolvant de l’Italie déchue. Par le mariage de Catherine de Médicis avec Henri II, la dynastie des Valois se trouva, moralement autant que physiquement, désignée