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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/609

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cha leur et en comprimer la grâce. Ne sent-on pas quelque chose de ces influences contraires dans le portrait d’ Ambras ?

Un très intéressant crayon de la Bibliothèque nationale montre ensuite Charles IX vers l’âge de treize ans, c’est-à-dire vers 1563. « Il estoit si courageux, bouillant et hardy, que si la royne sa mère, qu’il craignoit et honoroit fort, ne l’eust arrêté en ses plus jeunes ans, il vouloit luy-même estre en personne en ses armées et luy seul en estre le général. » Le dessin du cabinet des estampes justifie la parole de Brantôme. Ce qu’il y avait de sage et de contenu dans le portrait de 1561 fait place ici à quelque chose d’impétueux, presque de révolté. L’œil est méfiant et comme irrité, la bouche hautaine et menaçante. On dirait que toutes les violences, jusque-là refoulées, sont prêtes à se déchaîner. Il faut faire sans doute la part de ce qu’il y a d’improvisé dans un simple crayon. L’artiste, beaucoup moins délicat que Janet, a pris la nature sur le fait, en un de ces momens où elle lâche la bride à l’instinct. L’accent de vérité de ce portrait est saisissant… L’apprentissage de la vie allait être de plus en plus dur pour Charles IX. Les guerres de religion, qui se succédaient presque sans trêve, étaient entrain de démembrer le royaume, et le roi devenait l’enjeu que se disputaient les partis. Le 27 septembre 1567, les huguenots veulent l’enlever comme il revenait de Meaux à Paris, et ce n’est que le 29 au soir et à travers mille dangers qu’il parvient à se jeter dans sa capitale. On bravait son autorité, on s’attaquait à sa personne ; l’injure était sanglante et lui parut mortelle. Jamais il ne pardonna. La soif de vengeance le dévora dès lors tout entier… Il allait entrer dans sa vingtième année et brûlait du désir de prendre lui-même le commandement de ses troupes. Après la mort du connétable (10 novembre 1567), il avait gardé l’épée de France, jugeant « qu’il estoit assez fort et puissant pour la porter et n’avoit en cela besoing de l’ayde d’autruy. » Catherine de Médicis ne permit pas qu’il en fût ainsi. Elle voulut que le duc d’Anjou devînt le lieutenant-général de son frère, « ce dont celui-ci fut fort despité. » Le roi, vainqueur de Condé à Jarnac (13 mars 1569) et de Coligni à Montcontour (3 octobre 1569), eût été dès lors vraiment roi ; mais que fût devenue l’autorité de la reine mère ? Devant la volonté de Catherine de Médicis, Charles IX avait à ce point abandonné la sienne, qu’il n’eut pas la force de se révolter. C’est au milieu du trouble apporté par la haine dans cette âme royale que se préparait le mariage avec Elisabeth d’Autriche et que François Clouet peignait, en vue de ce mariage, le grand portrait du Belvédère et le petit portrait du Louvre. Nous avons dit, au point de vue de l’art, l’intérêt considérable qui s’attache à ces peintures. Nous avons à les regarder encore au point de vue de l’histoire.