pleurs et continuelles larmes et de gémissemens assidus ; et onques puis n’a fait que la regretter et déplorer, espandant sur sa mémoire les plus belles paroles qu’il ne seroit besoing d’en emprunter d’autres pour la louer et la mettre dans l’immortalité… » Brantôme se trompe ; il y a quelque chose de plus touchant que toutes les paroles, c’est le portrait qui nous occupe et le charme bienfaisant qui s’en dégage.
Le dessin original qui a servi à l’exécution de cette peinture se trouve au Cabinet des estampes de la Bibliothèque nationale. Ce dessin est de la même main que le crayon du portrait de Charles IX à l’âge de onze ans (1561). Tout y est arrêté avec une précision et une sûreté de main qui n’appartiennent qu’à un maître. On y sent le contact direct du modèle vivant. C’est une œuvre à la fois copiée et conçue. La nature est là qui a comme enchaîné la main de l’artiste, et l’artiste est là aussi qui a soumis la nature à son propre sentiment. Tout ce que nous avons remarqué dans le tableau est remarquable aussi dans ce dessin.
Aucun document authentique ne nous renseigne sur la destination première du portrait peint par Janet. Tout porte à croire que François Clouet l’a exécuté pour le roi lui-même presque aussitôt après l’arrivée en France d’Elisabeth d’Autriche. Mais que devint-il après la mort de Charles IX ? Et, s’il a tenu sa place dans le cabinet du roi d’abord, quand et comment en est-il sorti ? Henri III, qui usait du trésor royal avec tant de légèreté, n’a-t-il pas fait de cette peinture une de ces libérables qui ressemblaient si fort à de la dissipation ? Les restes d’un cachet de cire, sur lequel on distingue encore la couleuvre de Colbert, se voient au revers du panneau. Le portrait d’Elisabeth d’Autriche a donc fait partie des collections du grand ministre de Louis XIV. On le retrouve ensuite chez Gaignières au commencement du XVIIIe siècle, puis on en perd complètement la trace. Clairambault, chargé de choisir ce qui devait être conservé à la couronne parmi les trésors légués par Gaignières à Louis XIV, a dû réserver ce portrait ; mais aucun des inventaires royaux n’en fait mention, et le catalogue dressé à l’époque de la Révolution lors de la création du Musée national n’en parle pas davantage. On le cherche vainement aussi dans le musée Napoléon, ainsi que dans la Notice du Musée royal imprimée en 1816. Il est inscrit pour la première fois et porté aux inconnus dans le supplément de l’inventaire manuscrit de 1820 ; mais il attire encore si peu l’attention, qu’on le passe complètement sous silence dans la Notice publiée trois ans plus tard (1823). C’est en 1838 qu’on le voit pour la première fois dans un catalogue imprimé, et c’est en 1841 seulement qu’il y figure avec sa véritable attribution. En 1845, enfin, on lui rend l’hommage qui