Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/669

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui consacre le droit, pour nos nationaux, d’acquérir et de posséder des immeubles : ces difficultés auraient été soulevées, nous dit-on, à l’occasion de la succession de M. Laborde, ancien consul de France à Tananarive.

On se heurte sans doute ici à un principe qui a pour les Hovas toute l’importance d’un dogme religieux ; il s’agit de la fiction suivant laquelle la propriété du sol tout entier réside dans la personne du souverain, qui peut en déléguer l’usufruit à titre viager ou temporaire, mais non pas l’aliéner à titre irrévocable. Le droit de propriété incommutable concédé à des étrangers est donc en contradiction formelle avec les lois fondamentales de l’état, et on ne saurait s’étonner dès lors de la résistance qu’opposent les Hovas à l’introduction dans leur droit public d’une innovation aussi contraire à leurs croyances les plus enracinées.

On devrait, ce nous semble, chercher un terrain d’entente et tourner la difficulté en offrant aux Hovas de renoncer, pour nos nationaux, au droit absolu de propriété qui leur avait été concédé, mais en stipulant, en échange, pour eux la reconnaissance de droits à peu près équivalens, comme celui de contracter des baux emphytéotiques renouvelables au gré du preneur, expédient qui laisserait ainsi intact le principe qui tient si fort à cœur aux Hovas et dont la violation semble avoir provoqué chez eux de si unanimes protestations.


III

Pour justifier notre agression contre les Hovas, il a été beaucoup parlé des Sakalaves, qu’on nous a représentés comme des amis dévoués de la France et des auxiliaires précieux disposés à nous prêter une utile assistance dans la guerre que nous soutenons ; et on a appelé notre intérêt et notre commisération sur le sort de ces fidèles alliés, qui gémissaient sous l’intolérable oppression des Hovas et réclamaient avec instance notre protectorat.

Nous n’avons aucune raison de croire que la suprématie acquise aux Hovas, en vertu du droit de la conquête, se soit appesantie plus lourdement sur les Sakalaves que sur les autres indigènes également soumis à leur hégémonie, et d’un autre côté, nous cherchons vainement, dans l’histoire et le passé de ce peuple, les précédens qui peuvent lui avoir acquis des titres particuliers à notre intérêt et à notre appui. Depuis les événemens qui ont amené, en 1840, la prise de possession de l’île de Nossi-Bé par la France, événemens auxquels les Sakalaves demeurés sur la Grande-Terre sont restés complètement étrangers, leur attitude à notre égard a été constamment plutôt hostile que sympathique, ainsi que nous l’établirons plus loin.