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l’existence ne saurait être contestée, contrairement à ce qui a été avancé jusqu’à présent… »

Pour combattre les objections tirées des difficultés que présente Madagascar à l’acclimatation des Européens, on cite l’exemple d’un certain nombre d’Européens établis depuis de longues années dans cette île et qui ont résisté aux atteintes des fièvres paludéennes. Ces exemples isolés ne prouvent rien contre l’insalubrité de l’île et l’impossibilité, pour les Européens en général, de s’adapter aux conditions d’existence qui leur sont imposées dans cette contrée ; ils prouvent tout au plus que, parmi les Européens, certaines organisations exceptionnelles, après avoir été soumises pendant un certain temps à l’action de l’intoxication paludéenne, peuvent acquérir à la longue une immunité relative, produite par une saturation des principes toxiques émanés du milieu ambiant ; d’ailleurs les vides nombreux produits par la fièvre dans notre corps expéditionnaire sont malheureusement une réponse péremptoire aux optimistes de parti-pris qui soutiennent l’innocuité de ce climat pour les Européens.

Il faut donc envisager les choses sous leur aspect réel et reconnaître que Madagascar ne pourrait pas, quant à présent du moins, remplir pour nous le rôle d’une colonie de peuplement ; cette île ne peut fournir qu’une colonie d’exploitation, comme l’est Java pour les Hollandais et l’Inde pour les Anglais, mais sans nous offrir les avantages et les compensations que présentent ces contrées à leurs heureux possesseurs. Nous ne voulons pas dire que l’insalubrité, à bon droit reprochée à Madagascar, fermera à tout jamais l’accession de cette île à la civilisation ; l’expérience acquise ailleurs au prix de douloureux sacrifices prouve que les efforts persévérans de l’homme peuvent à la longue modifier, dans une certaine mesure, les conditions climatologiques des contrées les plus mal réputées sous ce rapport, Mais, pour faire disparaître les causes si nombreuses d’insalubrité à Madagascar, il faudrait entreprendre des travaux gigantesques qui ne pourraient être certainement que l’œuvre de plusieurs générations ; il faudrait dessécher les marais, mettre en culture les terres, reboiser les montagnes qui ont été partout dénudées par l’imprévoyance des indigènes, régulariser les cours d’eau, débarrasser leurs estuaires des amoncellemens de sable qui s’opposent à leur libre écoulement, etc., travaux que les Européens ne pourront jamais exécuter par eux-mêmes, puisque sous cette latitude le travail manuel leur est interdit, mais que la civilisation pourrait peut-être faire exécuter par les mains des indigènes, en leur communiquant à cet effet les procédés et les ressources dont elle dispose, ce qui supposerait, au préalable, une entente parfaite entre les parties intéressées, entente