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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 72.djvu/803

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Frisons, Saxons, Thuringiens, Alamans, Bavarois n’étaient pas plus capables de s’unir pour résister à l’étranger que n’avaient été les Germains du temps de l’empire. Ils parlaient des dialectes différens et ils avaient des coutumes particulières. Tandis que les Thuringiens obéissaient à des rois et les Bavarois à des ducs, ni les Frisons ni les Saxons ne reconnaissaient en temps de paix l’autorité d’un chef. Comme les anciens Germains, les peuples se faisaient la guerre les mis aux autres : les Thuringiens et les Saxons semblent avoir été des ennemis perpétuels. Cependant un double danger menaçait la Germanie. Les Francs, à l’ouest, en avaient conquis une partie ; à l’est, les Slaves s’avançaient occupant l’espace évacue par les peuples que Tacite avait connus entre l’Elbe et la Vistule, et dont la plupart étaient allés se perdre dans l’empire romain ; sur le Danube arrivaient les Avares, hordes asiatiques en marche vers l’Occident.

Placée entre les Francs et ces barbares, qu’allait devenir la Germanie ? Incapable de résister aux uns et aux autres, elle semblait destinée à devenir leur champ de bataille, et l’avenir du monde dépendait de l’issue du combat. Considérons en effet que le monde était alors partagé en deux régions : l’une était le pays impérial romain, qui comprenait la Gaule, l’Espagne, l’Italie, la péninsule des Balkans, l’Afrique septentrionale et l’Asie occidentale ; l’autre était cet immense terrain à peine effleuré aux extrémités par les armes ou par la politique de Home, et qu’habitaient les Germains, les Slaves et ces couches profondes de populations lithuaniennes et finnoises qui se prolongeaient jusqu’aux mers lointaines de l’Asie. Le Rhin était une des limites de ces deux régions et les Francs y faisaient office de rempart et d’avant-garde. Ces Germains, qui ont acquis droit de cité dans l’empire et dans l’église, seront-ils assez forts pour défendre la frontière et pour la reculer vers l’est ou conquérant la Germanie ? Laisseront-ils au contraire ce pays devenir la proie de quelque « grand prince » slave ou d’un khan d’Asiatiques ? S’ils conquièrent la Germanie, ils y porteront la culture à la fois romaine, germanique et chrétienne qui sera celle de notre continent, et ils contribueront ainsi à la formation de l’Europe, c’est-à-dire de ce groupe de peuples différens les uns des autres, mais sur les visages desquels une culture commune marquera des traits communs. Telle était la grandeur du rôle historique des Francs. Par la force des choses, et sans le Bavoir, bien entendu, ils étaient chargés de faire la transition entre le monde ancien et le monde futur, celui-là représenté par l’empire, qui avait recueilli tous les élémens bons ou mauvais des cités et des peuples méditerranéens ; celui-ci, par l’Europe, encore indistincte au VIe siècle, mais qui se formera de parties