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célestes comme des « fragmens de roches que l’éther, par la force de son mouvement giratoire, aurait arrachés au globe terrestre, enflammés et transformés en étoiles. » Le ciel était considéré comme une voûte solide, composée de grosses pierres que la rapidité du mouvement circulaire tenait éloignées de la terre, où elles retomberaient si ce mouvement venait à s’arrêter. Quant à Diogène d’Apollonie, il avait, par une singulière perspicacité, émis à ce sujet une vue aussi rapprochée de la vérité que le permettaient les connaissances de son temps ; suivant lui, « parmi les étoiles visibles se meuvent aussi des étoiles invisibles, auxquelles, par conséquent, on ne peut donner ce nom. Celles-ci tombent souvent sur la terre et s’éteignent, comme cette étoile de pierre qui tomba tout en feu près d’Ægos-Potamos. »

Ce fut seulement à la fin du dernier siècle que des conditions particulièrement favorables à des observations exactes apportèrent une démonstration sans réplique. La conviction devint générale et complète, à la suite des chutes qui eurent lieu dans l’Inde, près de Bénarès, le 13 décembre 1798, à huit heures du soir, en présence d’un grand nombre de spectateurs ; et, plus près de nous, à L’Aigle, dans le département de l’Orne, le 26 avril 1803, à une heure de l’après-midi. Biot, sur une mission de notre Académie des Sciences, alla relever minutieusement tous les caractères de cette dernière.

Les corps que l’on a nommés aérolithes, uranolithes, et plus généralement météorites, n’offrent pas seulement de l’intérêt au point de vue de leur provenance et de la cause qui les fait échouer subitement sur notre planète, elles en présentent aussi par leur constitution. C’est ce dernier caractère qui va surtout nous occuper, après un exposé succinct des circonstances dans lesquelles ils arrivent jusqu’à nous.


I

Les phénomènes qui précèdent et accompagnent les chutes de météorites varient dans bien des détails secondaires ; ils présentent néanmoins un ensemble de caractères généraux, qui se reproduisent avec constance à chaque apparition et suffiraient pour prouver d’une manière incontestable que l’origine de ces corps est étrangère à notre planète, lors même que leur nature n’offrirait rien de particulier[1].

D’abord apparaît un globe de feu ou bolide, dont l’éclat est assez vif pour illuminer tuute l’atmosphère, lorsqu’il survient la nuit, et, s’il arrive le jour, pour être visible en plein midi. A mesure qu’il

  1. Comme exemple, on peut voir, dans la Revue du 15 juillet 1864, l’étude de M. Jamin, intitulé le Bolide du 14 mai 1864, les Aérolithes et les étoiles filantes.