Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne jouissent d’autres subventions que celles fournies par la Propaganda fide de Rome et par la Propagation de la foi de Lyon. Aucune contribution n’est imposée aux convertis.

Les missionnaires catholiques ne comptent, comme il a été dit, sur des résultats tout à fait satisfaisans que lorsqu'ils peuvent isoler leurs ouailles du contact du blanc et du païen, et ils pensent que les deux œuvres, protestante et catholique, souffrent également quand elles se trouvent en présence l’une de l’autre. Ils entretiennent les meilleurs rapports personnels avec les missionnaires wesleyens et autres, mais ils se plaignent des instructeurs indigènes, souvent disposés à user de force pour soumettre à leur autorité les membres de la communauté catholique. Ils se louent de l'impartialité des autorités anglaises là où il y en a, mais ils regrettent que la nationalité française de la plupart des pères donne parfois lieu à des suppositions erronées : « Nous sommes, disent-ils, tout en restant bons Français, les serviteurs de l’église et non les agens de telle ou telle nation. » j’ai entendu énoncer les mêmes doléances en Chine et ailleurs.

A Fiji, les missionnaires wesleyens, grâce à la position dominante qu'ils y ont occupée du temps du dernier roi et à l’influence, un peu réduite, mais toujours considérable, que l’annexion leur a laissée, sont des hommes publics, des public characters, fort en évidence. Quoique généralement respectés, on conçoit qu'ils ne manquent pas de détracteurs. On les accuse de faire le commerce, d’être des trafiquans, des traders. On m’assure que cette assertion est mal fondée. Ils augmentent, il est vrai, leur revenu au moyen d’une taxe que les indigènes acquittent en produits naturels et qui sont vendus publiquement ; mais les sommes ainsi réalisées, ils les emploient, en très grande partie, au bénéfice de leurs convertis.

On leur reproche aussi de trop étendre leur œuvre, de s’en décharger trop sur des instructeurs indigènes, souvent peu dignes de leur confiance, de visiter rarement les différentes communautés et de donner trop peu de temps à ces visites.

En résumé, les missionnaires des deux confessions visent le même but, mais leurs points de départ sont différens comme le sont aussi les voies qu'ils suivent. Le missionnaire protestant, lorsqu'il pénètre en pays sauvage, amène sa famille, dans une certaine mesure les conforts de la vie, et une portion de l’air natal qu'il a respiré dans sa jeunesse. Le plus souvent il quitte un modeste milieu qu'il échange d’emblée contre une existence plus ou moins en évidence, contre une place marquante parmi les résidens européens, s’il y en a dans l’endroit où il exerce son ministère, et ce sont ceux-là qu'il choisit de préférence. En fort peu de