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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/359

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d’un conseil élu. Les cantons où les sectes et les races sont entremêlées ont un conseil mixte, où les différens élémens, maronite, grec, catholique, druse, métuali, sont représentés en proportion de leur importance. À la tête de la province se trouve un gouverneur chrétien, nommé avec l’assentiment des puissances, et un comité où les différens groupes envoient leurs délégués. Les anciennes haines ont désarmé. Mahométans et chrétiens des différens rites s’occupent en commun du bien général. Un système semblable, établi par l’Autriche à Serajewo, y donne, comme je l’ai montré, le meilleur résultat.

L’exécution de l’article 23 du traité de Berlin, ainsi entendu, donnerait satisfaction aux revendications rivales. La Macédoine n’irait ni à la Bulgarie, ni à la Serbie, ni à la Grèce ; elle s’appartiendrait et se gouvernerait, sous la suzeraineté de la Porte. Aucune des cinq races, ni les Turcs, ni les Albanais, ni les Valaques, ni les Grecs, ni les Bulgares ne seraient sacrifiés ; chaque commune administrerait ses propres affaires et, dans les localités mixtes, chaque groupe serait représenté en raison de son importance. Mais la chose essentielle, ce n’est pas le parlement ou le conseil central, c’est le conseil communal ; c’est là qu’il importe surtout d’apaiser les hostilités de race, et il n’est pas difficile d’y arriver ; car les populations les plus simples se sont montrées partout capables de gérer leurs intérêts locaux. Seulement l’élaboration de ce règlement et sa mise à exécution sincère devraient être surveillées par une commission européenne, comme on a fait pour la Roumélie et ainsi que le prévoit l’article 23 du traité de Berlin, sinon la mauvaise volonté des autorités turques et de la hiérarchie phanariote rendrait toute réforme illusoire.

Il est singulier que l’Europe et la Turquie ne voient pas combien il serait avantageux pour elles que la Macédoine fût bien administrée. Vaste amphithéâtre, préservé des vents du nord par le cirque de montagnes qui l’entoure de tous les côtés, sauf vers le midi, arrosé par trois belles rivières, le Vardar, la Struma et le Carasu, possédant sur les hauteurs de beaux pâturages, où les troupeaux trouvent, en toute saison, une nourriture abondante, et dans ses plaines des champs fertiles, où le doux climat de la mer Egée permet à la fois les cultures de la zone tempérée et celles de la zone méditerranéenne, doté de ports excellens et de golfes merveilleux, couvert jadis, au temps de la Grèce, de Rome et de Byzance, de villes peuplées et riches, dont on retrouve encore les traces, habité aujourd’hui, à l’intérieur, par les cultivateurs les plus laborieux et, sur le littoral, par les marins les plus sobres de notre continent, la Macédoine, sous un gouvernement qui lui apporterait la sécurité et le respect des droits individuels, deviendrait bientôt pour la Porte une source importante de revenus et, pour l’industrie européenne, un débouché bien autrement