Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par un témoignage d’affection plus particulière l’enfant qui se sera le plus distingué par son respect et sa tendresse filiale, qui se sera dévoué à secourir la vieillesse infirme de ses parens ; qui, par son travail, aura contribué sans intérêt à augmenter le patrimoine qui devient commun? Les fils pourraient-ils légitimement lui envier cet acte de justice ? »

L'abolition du retrait lignager que pouvaient exercer en cas de vente les parens du vendeur et qui était enraciné dans les habitudes des pays coutumiers, fut la conséquence des dispositions destructives de la constitution féodale dans la famille. Il n’y eut pas de résolution plus conforme à l’esprit qui animait le foyer domestique du XVIIIe siècle ; et le cœur des mères, dans ces heures trop rares d’union patriotique, battit du même mouvement que celui des enthousiastes fondateurs du monde moderne.

On ne connaît pas vraiment la révolution si l’on n’a pas lu les travaux des comités de l’assemblée et surtout les admirables rapports de Merlin sur les droits féodaux, sur les retraits de bourgeoisie, sur le retrait lignager, sur les successions, sur les réserves coutumières et les dévolutions. C’est dans ces résumés de la science juridique, dans ces pages écrites sous l’inspiration brûlante de l’opinion bien plus que dans les discussions de l’assemblée, discussions souvent abrégées, qu'il faut suivre le gigantesque effort de nos aïeux pour constituer la société civile qui nous abrite. Nous n’avons qu'à louer dans cette première partie. Après avoir établi dans la famille la justice et l’égalité, les classes moyennes essayèrent en politique de les concilier avec la vieille monarchie, et, tentative plus grave ! de faire entrer la démocratie dans les nouveaux rapports de l’église et de l’état.


V.

Sur la question religieuse, la haute bourgeoisie de la fin du XVIIIe siècle avait des opinions très arrêtées. La bourgeoisie parisienne, dans la réunion préparatoire des élections, avait pris une attitude particulièrement hostile au clergé. Elle ne voulait pas de la religion sous forme d’institution politique. Le souffle du XVIIIe siècle, en minant les croyances positives, avait laissé chez la plupart de ceux qui l’avaient respiré un déisme qui suffisait à leurs aspirations. Le cahier rédigé par la députation de Paris manifeste clairement cet état des esprits. Ils furent cependant entraînés à commettre une des plus sérieuses atteintes contre la liberté de conscience.

Leur éducation juridique obscurcit sur ce point leur intelligence. Un reste de levain janséniste fermenta dans un groupe ayant pour chefs Camus, Martineau, Treilhard. L’idée dominante des vieux légistes