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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/482

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tiennent souvent loin de Berlin, qui paraissent assez réelles. Il ne continue pas moins à poursuivre tout ce qu’il a entrepris, à préparer, autant qu’il le peut, le succès de ses lois économiques devant le parlement et à étonner quelquefois le monde par les évolutions de sa politique. Lorsqu’il y a quelques mois, pour en finir avec le différend des Carolines qui l’avait presque brouillé avec l’Espagne, qui l’importunait, M. de Bismarck proposait à l’improviste d’en appeler à la médiation du pape, on pouvait se demander si ce n’était pas là une fantaisie du chancelier, si, dans sa pensée, cette médiation était bien sérieuse, si le pape n’en serait pas pour un arbitrage inutile. Non-seulement cette médiation a été sérieuse, acceptée, respectée jusqu’au bout, mais elle a été l’occasion d’un rapprochement plus intime entre Berlin et le Vatican. L’empereur Guillaume a témoigné sa reconnaissance et fait porter ses remercîmens au saint-père ; le saint-père, de son côté, par une exception rare, a envoyé une décoration pontificale à un protestant, à M. de Bismarck, et il a écrit au chancelier une lettre inspirée par un esprit supérieur de conciliation. Certainement on peut croire que M. de Bismarck n’est pas homme à se laisser lier dans sa politique par des politesses de cour ou de chancellerie ; il serait cependant difficile d’admettre que ces démonstrations de courtoisie puissent être la préface d’une recrudescence prochaine de la guerre religieuse en Allemagne. On peut tout au plus penser que le chancelier ne donne rien pour rien et qu’en faisant si ostensiblement sa paix avec le saint-siège, il a espéré s’assurer le vote des catholiques dans le parlement pour ses lois économiques, pour le monopole de la vente de l’alcool, qu’il veut plus que jamais attribuera l’état. Réussira-t-il dans ses tentatives persévérantes, obstinées, pour doter l’empire de puissantes ressources ? C’est une question que d’ici à peu les discussions du parlement de Berlin éclairciront sans doute, et le chancelier lui-même sera peut-être conduit à payer de sa personne, à expliquer ou à dévoiler sa politique, au risque de dérouter encore une fois l’opinion par une évolution nouvelle ou des déclarations imprévues.

Tous les pays ne se ressemblent certainement pas, et les cérémonies monarchiques ne sont pas les mêmes partout, ou du moins elles n’ont pas le même caractère. Il n’y a que quelques jours, les certes se sont réunies à Madrid, et elles n’avaient pas à célébrer quelque anniversaire brillant et heureux comme celui qu’on célébrait récemment à Berlin ; elles avaient tout d’abord à recevoir le serment de la reine-régente qui a pris le gouvernement de l’Espagne à la mort du roi Alphonse XII. La reine Christine s’est rendue aux certes avec l’appareil traditionnel des rois espagnols ; elle a été reçue par les présidens des deux chambres. Elle a prêté, au milieu du recueillement de l’assemblée, son serment de régente, gardienne des droits dynastiques de