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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/540

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télégraphier, en voyant le fâcheux effet produit par ses conciliabules avec l’empereur, qu’il n’y avait à Salzbourg « que des cœurs pénétrés de douleur et des yeux remplis de pleurs, » personne n’ajoutait foi à ces dépêches larmoyantes. La diplomatie russe et la diplomatie prussienne croyaient être renseignées. « Que penser, disait M. de Savigny, d’un chancelier d’empire travaillant, au dire même de ses organes, comme un ministre français dans le cabinet de Napoléon III ? Ce fait seul aurait suffi pour nous donner l’éveil, si nous ne savions par des informations sûres, — car en Autriche il y a moyen de tout savoir, — ce qui se trame contre nous[1]. »

La presse inspirée reflétait en termes acerbes les inquiétudes et les colères qui se manifestaient à Berlin ; elle considérait l’entrevue comme une provocation déguisée à l’adresse de la Prusse ; elle n’admettait pas qu’un souverain étranger pût venir en Allemagne pour traiter des affaires allemandes avec une puissance non allemande. La Gazette de la croix écumait : « Une Confédération du Sud sous la direction de l’Autriche[2], et sous le protectorat de la France, disait-elle, tel est le but qu’on poursuit à Salzbourg. Nous n’examinerons pas si une Confédération du Midi dont l’Autriche ferait partie ne serait pas contraire aux stipulations de Prague. Nous ne demanderons pas ce que deviendraient les traités d’alliance que les états du Sud ont conclus avec la Prusse et auxquels ils ne sauraient se soustraire sans manquer à la foi jurée. Nous demanderons seulement si l’Allemagne est disposée à permettre à l’empereur des Français de s’immiscer dans les affaires allemandes.

« Il existe sans doute en Allemagne des misérables qui attendent le salut de la patrie, ou plutôt leur salut personnel, de Paris. On les écrasera, lorsque l’heure de punir les traîtres aura sonné.

« Il est une chose toutefois qu’on fera bien de méditer aux Tuileries : si nous ne nous sommes pas laissé endormir par les

  1. L’empereur François-Joseph conféra au prince de Metternich, en présence de ses hôtes, l’ordre de la Toison d’or, la plus haute de ses distinctions. Il avait à cœur de prouver à Napoléon III combien il appréciait le zèle et l’ardeur que son ambassadeur consacrait à l’intime entente des deux pays. C’était donner à l’entrevue une consécration solennelle et permettre de supposer, en octroyant au prince de Metternich une aussi éclatante récompense, que l’alliance qu’il poursuivait était définitivement scellée.
  2. On prétendait que Napoléon III, à son passage à Munich, avait essayé de convertir le roi Louis et son ministre à l’idée d’une Confédération du Sud sous le protectorat de l’Autriche. M. de Beust protesta énergiquement contre ces bruits dans des dépêches adressées à ses agens : « L’Autriche, disait-il, s’en tient strictement aux stipulations de Prague, qui reconnaissent à l’Allemagne du Sud le droit du se constituer en confédération séparée, mais qui n’admettent pas qu’elle puisse se placer sous un protectorat étranger. Il n’a donc pas été question de protectorat autrichien à Salzbourg, l’empereur François-Joseph en a donné l’assurance au roi de Bavière. »