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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/544

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prussiens le prétexte qu’ils avaient en vain cherché au mois d’avril lors de l’affaire du Luxembourg.

M. de Moustier dépensa beaucoup d’éloquence pour enlever aux entretiens de son souverain avec l’empereur François-Joseph et son ministre la gravité qu’on leur prêtait. Il fournit des assurances verbales au gouvernement prussien, il adressa des circulaires atténuantes à ses agens à l’étranger[1], il multiplia les communiqués pacifiques dans la presse semi-officielle. L’empereur lui-même crut devoir publiquement rassurer la Prusse sur ses sentimens : « Les gouvernemens faibles seuls, disait-il à Arras, pour répondre aux craintes affectées à Berlin, cherchent dans les complications extérieures des dérivatifs à leurs embarras intérieurs. »

Le comte de Goltz, à la fin de juillet, s’était porté garant, à Ems, auprès de son souverain, des sentimens pacifiques de l’empereur, de son désir ardent et sincère de maintenir à ses rapports avec la Prusse le caractère le plus confiant ; il s’était appliqué à enlever toute arrière-pensée politique à l’entrevue et il avait laissé espérer qu’à son retour Napoléon III passerait sans doute par Coblentz pour saluer sa majesté et la remercier de sa présence aux Tuileries pendant l’exposition[2]. Les assurances données par l’ambassadeur ne s’étaient pas justifiées, elles n’avaient servi qu’à démontrer au roi combien les défiances de son premier ministre étaient autorisées. Le roi Guillaume en était de nouveau à appréhender que la guerre, comme M. de Bismarck ne cessait de lui répéter, ne fût plus désormais qu’une question de temps, qu’elle n’éclatât sûrement le jour où les préparatifs de la France et de son alliée éventuelle seraient au complet. Aussi l’ambassadeur regagnait-il son poste peu satisfait de sa campagne et peu reconnaissant à la cour des Tuileries du démenti si manifeste qu’elle avait donné aux déclarations dont il s’était rendu l’interprète. Il déplorait que la démarche de l’empereur eût pris tout à coup des proportions si anormales ; il regrettait vivement l’ostentation donnée au voyage ; il lui semblait qu’une entente cordiale entre les deux

  1. Dépêche d’Allemagne (2 septembre 1867.) — « Il n’est pas un esprit impartial en Europe qui se méprenne sur le sens et la portée de l’entrevue de Salzbourg ; aussi suis-je convaincu que les déclarations du gouvernement de l’empereur destinées à rectifier les interprétations erronées qui en dénaturent le caractère, seront accueillies comme un témoignage de notre loyauté et de nos sentimens pacifiques. »
  2. Dépêche d’Allemagne (août 1867). —« L’entrevue était envisagée, au début, avec bonne grâce. On se flattait que l’empereur, avant de rentrer en France, aurait à cœur de se rencontrer avec le roi. La déception est grande aujourd’hui que l’on sait qu’il ne reviendra pas par Coblentz et ne s’arrêtera même pas à Bade. La blessure est profonde. On considère qu’en allant à Paris, le roi a donné à la France un témoignage de bonne volonté aussi explicite, aussi flatteur qu’on pouvait le désirer. »