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est le seul exemple que je connaisse, dira le duc de Wellington à la chambre des lords, d’une place régulièrement fortifiée qui ait été réduite par une force purement navale. »

Au mois de septembre 1838, pendant que la Néréide faisait route pour le golfe du Mexique, on discutait en présence de l’amiral Lalande les chances d’une attaque sur le château de Saint-Jean-d’Ulloa. Voici de quelle façon l’amiral mit un terme à la discussion : « Le fort d’Ulloa est imprenable, je l’accorde ; c’est une raison de plus pour tenter de le prendre. Personne, après tant d’objections, n’aura le droit de s’étonner, si l’on échoue ; personne, si l’on réussit, n’osera soutenir que la chose était facile. » Pour moi, ce que j’apprécie surtout, en cette circonstance, c’est la haute sagesse et l’habileté de conduite dont l’amiral fit preuve : il ne découragea pas les partisans des surprises et des escalades, parut même s’associer à leurs desseins, mais n’en poussa pas moins sa pointe résolument dans la seule direction qui promettait d’aboutir à un résultat. L’amiral gagna ainsi du temps et il en fallait aux bombardes pour arriver : le Cyclope et le Vulcain ne parurent devant Sacrificios que le 25 novembre, deux jours avant l’action.


VII

La convention conclue avec le général Rincon limitait le chiffre de la garnison qui serait maintenue dans la ville ; elle assurait, en même temps, paix et protection à nos nationaux : Vera-Cruz devenait en quelque sorte une ville neutre. Quels furent l’étonnement et l’indignation de l’amiral Baudin lorsque, le à décembre, il apprit par une lettre du comte de Gourdon, capitaine du brick le Cuirassier laissé en observation au mouillage de Vera-Cruz, que de nouvelles troupes venaient d’entrer dans la place ! Les résidens français effrayés se réfugiaient en foule dans la forteresse occupée par nos artilleurs. Une lettre du général Santa-Anna expliqua bientôt cette violation de l’engagement contracté le 28 novembre, par le général Rincon : le gouvernement mexicain refusait son approbation à une convention conclue sans son aveu ; le président Bustamente déclarait la guerre à la France, Santa-Anna remplaçait dans Vera-Cruz le général Rincon destitué. L’amiral releva le gant avec un esprit de décision qui ne le montre certainement pas sous un jour nouveau, — car le propre de son caractère fut toujours d’être résolu, — mais qui laisse pressentir ce qu’il aurait pu faire si le sort l’eût jamais appelé à surmonter des difficultés plus dignes de son courage. En quelques minutes, il arrête