les exiler, comme fit Tibère pour les Égyptiens et les Juifs. Accusés de lèse-majesté, ils étaient exposés à des peines bien plus sévères. Il n’y avait pas de crime qui fût recherché avec plus de soin et plus impitoyablement puni. Pour être sûr de découvrir les coupables, on commençait par supprimer les garanties qui protégeaient la vie des citoyens. On accueillait les dénonciations de tout le monde, sans s’occuper de savoir si les dénonciateurs n’étaient pas eux-mêmes des criminels et si l’on pouvait les croire sur parole. Les esclaves étaient interrogés contre leurs maîtres, ce qui d’ordinaire était défendu, et mis à la torture quand ils refusaient de parler[1]. On ne se faisait pas scrupule, au besoin, d’infliger aux hommes libres, aux gens de condition, le même traitement qu’aux esclaves, et de les torturer comme eux : quum de eo quœritur, nulla dignitas a tormentis excipitur. Puis, quand le crime paraissait suffisamment prouvé, on prononçait la peine, qui était toujours très rigoureuse. « Autrefois[2], dit le jurisconsulte Paul, on interdisait pour jamais au condamné le feu et l’eau ; maintenant ceux d’un rang inférieur sont livrés aux bêtes ou brûlés vifs, les autres ont la tête tranchée. » Ainsi s’explique la cruauté des supplices qu’on employa contre les chrétiens ; ils ne paraissent plus surprenans quand on songe qu’ils étaient accusés de lèse-majesté. Plus tard, la loi s’adoucit un peu contre les coupables ordinaires ; sous les Antonins, les crimes politiques ne furent plus aussi durement punis, mais les chrétiens ne profitèrent pas de cette clémence. La lutte était alors engagée entre eux et le pouvoir, et leur obstination paraissait indigne de miséricorde. Il arriva donc que la loi de majesté ne conserva plus ses rigueurs que pour ceux qu’elle n’aurait pas dû atteindre. Cette injustice indignait Tertullien : « Nous sommes brûlés vivans pour notre Dieu, disait-il : c’est un supplice que vous n’infligez plus aux sacrilèges, aux véritables conspirateurs, à tous ces ennemis de l’état qu’on poursuit au nom de la loi de majesté. »
Il n’y a donc, je le répète, aucune raison de s’étonner de la rigueur des supplices dont furent punis les chrétiens dans les premières persécutions : c’était la loi ; on la leur appliqua plus rigoureusement qu’aux autres, ce qui leur semblait avec raison très cruel, mais elle ne fut pas faite pour eux. Il n’en est pas tout à fait de même de la marche qu’on suivait d’ordinaire dans les procès qui