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de ce territoire se bornait à 3,195 arpens qui étaient partagés entre 480 personnes et formaient 5,469 parcelles. D’après la conversion en mesures modernes, chaque parcelle avait en moyenne 24 ares, et chaque domaine, se composant de 11 parcelles en moyenne, n’occupait moyennement que 2 hectares 64 ares de superficie. M. de Foville dit avec raison que ce territoire pourrait bien être moins subdivisé à l’heure actuelle que sous Louis XII. Sans pouvoir toujours remonter aussi haut, on trouve de nombreux cas analogues. En 1697, les habitans de Rouvres, près de Dijon, voulant se racheter d’une certaine dîme, profitent de l’occasion pour demander qu’on leur permette de faire un remaniement général de leurs propriétés trop enchevêtrées les unes dans les autres. En 1701, avec l’approbation de l’intendant, on se livre à cette opération, et voici comment François de Neufchâteau raconte ce rajustement de la propriété dans cette paroisse : « L’arpenteur Feugeray divisa toutes les contrées du ban en sections, aboutissant toutes sur des chemins… 4,000 journaux de terre, divisés en un nombre infini de petits champs et appartenant à 300 propriétaires, furent réunis de manière à ne former que 400 à 500 pièces de terre. Par le bienfait d’un tel travail, le territoire de Rouvres est devenu à la longue comme une espèce de jardin, et rien n’est plus admirable que la variété des cultures qu’on y aperçoit aujourd’hui. » Un certain nombre de ces remaniemens collectifs, qui témoignaient à la fois du développement de la petite propriété et de l’enchevêtrement des parcelles, se firent sous Louis XV, notamment en Lorraine et en Bourgogne ; à Nonsard, en 1763 ; à Laneuville-devant-Bayon ; à Neuviller et à Roville (1768-1773) ; à Tart ; à Marliens ; à Châtillon-sur-Seine, en 1788. Dans la paroisse de Paroy, arrondissement de Provins, un cartulaire de 1768, véritable chef-d’œuvre de topographie et de calligraphie, déclare M. de Foville, constate l’existence de 3,089 parcelles d’une étendue moyenne de 30 perches, soit 12 ares 60 centiares. Déduction faite du château et de ses dépendances, dont les 127 parcelles couvraient 440 arpens, la contenance moyenne des 2,962 parcelles restantes tomberait à 17 perches, soit 6 ares 44 centiares.

En attribuant à la révolution de 1789 l’honneur et le mérite d’avoir créé le paysan propriétaire, on a donc fait une légende que détruit l’examen impartial des faits. Ne doit-il rien en rester, cependant ? Est-il exact que les mesures révolutionnaires n’aient pas contribué à accroître la part, déjà notable, de la petite propriété ? Après un engouement excessif pour l’œuvre de la révolution, on est peut-être tombé dans l’excès de prétendre qu’elle n’a rien changé aux conditions existantes. M. Léonce de Lavergne, M. de Molinari,