Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/874

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maisons de banque rentrèrent successivement en France, et Henri IV possédait sans doute, au moment de son mariage avec Marie de Médicis, la plus grande partie des diamans de la couronne. Dès les premières années de son règne, il fit de l’argent, comme Henri III, avec toutes les pierres qu’il eut à sa disposition, et les nombreux arrêts des conseils des finances attestent que l’administration de Sully était aussi sage que la renommée l’a proclamé.

C’est sous le règne de Henri IV qu’apparaît un personnage bizarre dont le nom est intimement lié à l’histoire des diamans de la couronne : Nicolas Harlay de Sancy, colonel-général des Suisses, surintendant des finances, avait déjà levé, en 1589, une armée de Suisses pour le compte de Henri III. Après la mort de ce dernier, il se rangea du côté de Henri IV ; selon les circonstances, il fut tantôt financier, tantôt homme de guerre et presque toujours marchand de pierres. Il acheta naturellement une grande quantité de diamans et en engagea plusieurs en Suisse pour y lever des troupes. Plus tard, vers 1000, Henri IV lui achetait de nombreuses pierres, que Sancy devait porter immédiatement à l’étranger, où il devait les donner en gage d’emprunt, tandis qu’il ne devait toucher que postérieurement du trésor la somme pour laquelle il les aurait engagés[1].

Le plus beau des diamans de Sancy était celui qui porta son nom. Nous ignorons où il l’avait acheté ; mais nous nous élevons formellement contre les légendes qui attribuent à ce diamant une origine antérieure à la fin du XVIe siècle[2] ; Sancy s’efforça à diverses reprises de le vendre, particulièrement au duc de Mantoue[3]. Après quatre ans de pourparlers, ce dernier ne se décidant pas, Sancy le vendit, à la fin de mars 1004, au roi Jacques Ier d’Angleterre. Charles Ier l’avait en sa possession lorsqu’il monta sur le trône, et au moment de la révolution d’Angleterre, Henriette de France, petite-fille de Henri IV et femme de Charles Ier, l’emporta avec elle. Pressée d’un besoin d’argent, elle le donna en gage, le 6 septembre

  1. Nous devons à M. de Kermaingant la communication de trois pièces fort curieuses sur Sancy : M. de Kermaingant les a extraites des papiers de M. le baron d’Hunolstein, que ce dernier avait obligeamment mis à sa disposition pour un travail sur le XVIe siècle et, en partie, sur Henri IV.
  2. Nous préparons en ce moment un mémoire sur l’histoire du Sancy ; on verra pour quelles raisons nous n’avons pas cru devoir adopter la légende qui s’est formée autour de ce diamant.
  3. M. Armand Baschet, dont on ne peut se passer quand on s’occupe de choses de Venise, s bien voulu nous communiquer quatorze lettres de la Correspondance du Sancy avec le duc de Mantoue, au sujet de son diamant, de 1600 à 1604. Depuis que nous avons écrit ces lignes, nous avons en la douleur d’apprendre la mort prématurée de cet historien si aimable et si érudit, qui n’avait cessé de nous encourager et de nous aider dans tous nos travaux.