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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 73.djvu/878

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L’opinion publique n’hésita pas à accuser de ce crime Danton et le parti avancé, qui, à leur tour, l’imputèrent aux contre-révolutionnaires. Lorsque Vergniaud dut porter sa tête sur la guillotine, il s’écria à la tribune : « Je ne me crois pas descendu à être obligé de me disculper d’une accusation de vol. » Quant à Sergent, alors administrateur de la police et de la garde nationale, il fut si clairement désigné comme ayant trempé dans l’affaire, que ses contemporains lui donnèrent le nom de Sergent-Agate, en souvenir d’une des plus belles gemmes de la couronne. Les historiens de la révolution lui ont conservé ce surnom.

Il n’est pas facile de désigner les personnes auxquelles incombe la responsabilité de cette soustraction. On découvrit un certain nombre de voleurs. Ils en dénoncèrent d’autres, et bientôt le tribunal révolutionnaire en condamna à mort quelques-uns, qui furent exécutés sur la place de la Concorde[1].

On retrouva immédiatement un certain nombre de diamans ; mais les plus importuns, le Régent et le Sancy, échappèrent aux premières investigations : c’était un nommé Cottet qui avait volé le Sancy ; il l’avait donné à un de ses camarades, qui avait pris la fuite. Quant au Régent, il ne fut découvert qu’un an après, dans un cabaret du faubourg Saint-Germain[2]. D’autres diamans furent retrouvés dans les années qui suivirent et furent versés à la caisse de l’extraordinaire. Au sacre de Napoléon Ier, les joyaux de la couronne apparurent en public. Le Régent était fixé au pommeau de l’épée.

L’empereur augmenta considérablement le trésor qu’il avait reçu de l’état en achetant 6 millions de diamans au moyen de fonds spéciaux, créés par décret du 10 février 1811. En 1814, tous les joyaux de la couronne furent emportés à Blois par Marie-Louise, mais l’empereur d’Autriche (son père) les lui fit réclamer ; après les avoir reçus, François II les fit remettre à Louis XVIII, qui, dans la nuit du 20 mars 1815, les emporta à Gand, où il les garda. Il les rapporta à Paris lors de sa seconde restauration. Durant son règne, ces diamans ne subirent pas de grandes modifications. Louis XVIII en détacha cependant une croix du Saint-Esprit, estimée 650,000 fr., dont il fit don à Wellington.

  1. Un journal prétend tenir du rapporteur de la chambre des députés que l’on rechercha les auteurs du vol, qu’on en arrêta quelques-uns, main qu’ils furent bientôt relâchés, parce que leur culpabilité ne fut pas démontrée : or, Paul Miette, Lire, Cottot, dit le Petit-Chasseur, Meyran, dit Grand C., Mauger, Gallois, dit Matelot, Joseph Picard, Anne Leclerc, François Depeyron, dit Francisque, et Jean Badarel furent condamnés à mort, pour avoir participé à ce vol.
  2. C’est du moins ce qui parait résulter de la déposition d’une femme Corbin, dans le procès.