Marion Delorme, dans nos souvenirs d’adolescens, à nous qui faisions des vers latins pendant les dernières années du second empire, rayonne avec une grâce particulière ; elle y sourit mélancoliquement, comme la plus aimable et la plus touchante des œuvres dramatiques de Victor Hugo. La Dame aux camélias, traitée d’avance par un [poète, fixée en des rythmes délicieux et magnifiques, vêtue de nobles costumes, établie dans un décor d’histoire, cette idée nous charmait et captait notre admiration. La pièce de M. Dumas fils, malgré notre faible pour elle, n’obtenait de nous que l’estime dévolue à un tableau de genre, à un Gavarni pathétique ; l’ouvrage de l’exilé, au contraire, c’était de la grande peinture. Cette première conception de la courtisane purifiée par l’amour nous paraissait sublime ; la beauté de l’exécution nous semblait un peu plus qu’humaine. Ah ! s’il nous était donné jamais de contempler une telle merveille au théâtre ! ..
Elle nous fut accordée, cette douceur, dans les temps qui suivirent l’année terrible ; et, datés de là, d’autres souvenirs nous séduisent.