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au traité de Berlin ni soulever des questions d’indemnité territoriale ou pécuniaire qui raviveraient tous les conflits, qu’ils doivent se borner à la paix la plus simple, il est assez vraisemblable qu’après les broussailles des préliminaires, l’œuvre elle-même rencontrera moins de difficultés. Les plénipotentiaires réunis à Bucharest n’ont pas à résoudre le problème oriental ! Ce qu’ils ont à faire est assez modeste pour qu’ils puissent, sans trop d’effort, se mettre d’accord, — à moins que la Serbie ne soit entrée dans cette délibération restreinte qu’avec quelque arrière-pensée, en attendant les événemens ou l’imprévu. La négociation qui a été la plus facile, qui a marché le plus lestement, est justement celle qui, au premier abord, paraissait la plus épineuse : c’est la négociation qui a conduit à une entente complète entre la Bulgarie et la Porte. Elle a marché vite parce que le prince Alexandre a pris le meilleur parti en envoyant son ministre, M. Tsanof, à Constantinople, pour traiter directement avec le sultan, et parce qu’au lieu de se perdre dans de vastes et ambitieuses combinaisons, il est allé droit au fait, droit au résultat pratique. Il a ce qu’il voulait, ce qu’il a, en définitive, conquis par les armes. Il a la réalité plutôt que la gloriole. Il obtient du sultan, « sur les bases du traité de Berlin, » le gouvernement général de la Roumélie orientale, gouvernement indéfiniment renouvelable tous les cinq ans. Il réunit dans ses mains l’administration complète des deux principautés : c’est l’union personnelle reconnue et sanctionnée par la Porte. Entre le sultan et le prince il y a une alliance pour la défense commune en d’autres termes, les deux principautés restent toujours nominalement partie intégrante de l’empire ottoman ; le prince a l’union personnelle, et rien n’est touché aux autres dispositions du traité de Berlin : que faut-il de plus ? Ici, il est vrai, surgit une difficulté. La plupart des puissances de l’Europe paraissent disposées à admettre cette union personnelle comme la seule combinaison juste et pratique, d’autant plus qu’il serait difficile aujourd’hui de ne plus l’admettre. La Russie seule ne rend pas les armes ; elle ne parait pas avoir vu sans humeur cette entente directe entre le prince Alexandre et le sultan ; elle ne lui reconnaît que la valeur d’un acte provisoire. La Russie, au fond, préférerait à l’union personnelle le retour à la grande Bulgarie du traité de San Stefano ; mais elle combat un peu pour l’honneur et elle ne parait pas avoir la pensée de refuser son concours à une combinaison qui a l’assentiment des autres cabinets, qui devient par cela même une condition de la paix nouvelle des Balkans.

Reste toujours, il est vrai, un dernier point noir à cet horizon de l’Orient : c’est la Grèce remuante et remuée, toujours agitée d’émotions patriotiques et belliqueuses, impatiente d’entrer en scène, épiant l’occasion de brusquer les événemens. La Grèce en est encore, il est vrai, à ses ardeurs guerrières et à ses revendications nationales. Elle