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Environ 80 ans après Jésus-Christ, un juif rallié aux Flavius essaya d’écrire en grec une histoire de sa race. Pour les parties anciennes, Josèphe n’avait d’autres documens que ceux que nous possédons ; en ce qui concerne ces parties, son livre est sans autorité. Pour l’époque asmonéenne, pour celle des Hérodes, pour les révolutions du Ier siècle, au contraire, les écrits de Josèphe ont toute la valeur d’un document original.

La chaîne historique commençant par Bereschit a donc une importance hors ligne. Seule elle nous fait connaître la période antérieure à la prise de Jérusalem par les Chaldéens, puisque les Chroniques et Josèphe n’en sont guère, pour cette partie, que des remaniemens. Vers le IIIe siècle avant Jésus-Christ, on divisait cette grande composition, pour la commodité des copistes, en onze volumes ou rouleaux, à peu près d’égale longueur, division que les traducteurs grecs alexandrins adoptèrent et qui aboutit à faire considérer comme des livres distincts : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, Josué, Juges, Ier et IIe livres de Samuel, Ier et IIe livres des Rois. En réalité, ce sont là onze coupures dans une grande série, composée d’ouvrages juxtaposés, lesquels sont eux-mêmes le produit de compilations antérieures. Ces divisions répondaient si peu à des unités réelles que, dès une époque très ancienne, on commit sur le groupement de ces titres une méprise qui a eu pour la critique les conséquences les plus graves.

De bonne heure, en effet, on prit l’habitude de grouper les cinq premières sections : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome, sous le titre particulier de Pentateuque. Ces livres avaient pour la religion une importance particulière; ils contenaient toutes les parties législatives censées révélées par Dieu à Moïse. On ne remarqua pas que la section qui suivait, savoir Josué, se rattachait intimement aux cinq coupures qui précèdent; que la composition par l’alternance de deux documens principaux qui caractérise les cinq premières sections, se continue en Josué ; que la plume de l’auteur particulier du Deutéronome se retrouve notoirement dans des parties de Josué. Josué, en d’autres termes, fait une suite immédiate au Deutéronome ; la vraie coupe, très réelle et très profonde celle-là, est à la fin de Josué. Le livre des Juges et les livres de Samuel obéissent à des règles de composition toutes différentes. La zébrure singulière qui caractérise les six premières sections ne s’y retrouve plus. Ce n’est donc pas Pentateuque, c’est Hexateuque qu’il aurait fallu dire. Le vrai, c’est qu’en tête de la composition historique qui allait de la création à la prise de Jérusalem, figurait un ouvrage complet, qui a existé par lui-même, et qui contenait l’histoire primitive de la nation au point de vue de son