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La colonne du général Gaudi trouvait les approches de Vianen abandonnées, les routes défoncées et les ponts détruits ; le général van Eben, chargé d’enlever la ville, voyait avant d’y arriver le drapeau orange flotter sur les murs de la citadelle. Quelques grenadiers, avec deux pièces de campagne, s’emparaient d’une frégate qui croisait sur le grand canal ; le capitaine chargé de la défense cédait sans même tirer un coup de canon ; et les soldats, improvisés marins, remplaçaient les matelots hollandais qu’on internait à Vianen. La division du comte Lottum rencontrait plus de difficultés. Parvenue rapidement jusqu’à Amesfoort, elle occupait Soest et Soesdijck. Hilversum, défendu un moment par les patriotes, était pris sans grand combat ; mais Woerden opposait une résistance plus vive. « Nous avons tellement canonné les Prussiens qu’ils ont disparu au point du jour, » écrivait le 19 septembre au matin, M. de Frescheville à Gaillard. Le fort d’Hinderdam ne tombait qu’après un assaut où l’ennemi éprouvait des pertes sérieuses,-une partie de la garnison, plutôt que de se rendre, sautait dans les fossés et se retirait à Amsterdam, vainement poursuivie par le vainqueur. Nieuwersluys arrêtait pendant deux jours le comte de Kalkreuth, et M. D’Averhoult, qui commandait la place, obtenait les honneurs de la guerre. Plus l’armée d’invasion s’approchait d’Amsterdam, plus la résistance devenait honorable et sérieuse ; mais dans tout le reste de la province, comme en Overyssel, comme en Groningue, les tentatives de courage étaient aussi rares qu’inutiles. Les forteresses ornées des noms les plus barbares abaissaient leurs ponts-levis devant les trompettes du duc de Brunswick.

La conscience des casuistes timides, comme celle des poltrons effarés, devait bientôt se trouver à l’aise. Sur le conseil de sir James Harris, les états de Hollande, incomplets et modifiés, bénissaient la Providence d’avoir rétabli l’ordre troublé. Tout était pour le mieux et le roi de Prusse était un sauveur. Amsterdam seul et les vieux patriotes protestaient contre ce concert de louanges. Sir James Harris n’avait garde d’oublier une telle fausse note. Dans une lettre dithyrambique « au duc de Brunswick, libérateur de la nation batave, » il lui demandait d’agir promptement contre la cité rebelle : « Le langage menaçant de la France n’aboutirait à rien. Le roi George faisait accélérer l’équipement d’une flotte très considérable. » Le général Fauwcet, envoyé à Berlin, allait « presser la conclusion de la besogne dont il était chargé. » Il s’agissait d’un secours de 35,000 hommes assuré à la Prusse, outre l’appui de la marine britannique. Le duc de Brunswick ne répondit que quelques lignes à sir James Harris. « Il sentait la nécessité de ce qui lui était conseillé et était déterminé à l’essayer. »