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part, les drames historiques, les drames judiciaires, les drames domestiques, les drames tao-sse, et, de l’autre, les comédies de caractère, les comédies d’intrigues et les comédies mythologiques. Tous ces noms s’expliquent d’eux-mêmes, à l’exception d’un seul, celui des drames tao-sse. Les drames tao-sse, parmi lesquels M. Bazin a surtout vanté la Transmigration de Yo-cheou, M. Perny le Songe de Liu-long-pin, et le général Tcheng-ki-tong la Dette payable dans la vie à venir, sont de vives satires, poussées jusqu’à la charge, nullement indignes de Palais-Royal, sur les superstitions ou les dogmes du bouddhisme. L’esprit chinois est superstitieux, mais d’une autre manière, et qui ne l’empêche pas d’être voltairien. Quant aux drames domestiques, ils ne répondent pas tout à fait à ce que nous entendrions en Europe sous ce nom, si nous en usions, mais plutôt à certaines idées, très particulières, comme l’on sait, que les Chinois se font de la famille, de ses devoirs, et surtout de sa solidarité continuée d’âge en âge. Tel est le Vieillard qui obtient un fils, dont Abel Rémusat, dans ses Mélanges, a donné une assez ample analyse et le sinologue anglais J.-F. Davis, en 1817, une traduction.. En y regardant d’un peu près, et en observant le plaisir que le général Tcheng-ki-tong semble trouver à la lecture des plaisanteries ordinaires aux drames tao-sse, il est permis de croire que la religion de la famille est à peu près la seule que pratiquent les Chinois éclairés. De là l’importance des drames domestiques, et, bien qu’ils ne diffèrent pas beaucoup, dans la disposition de l’intrigue ou le choix des personnes, du drame judiciaire, par exemple, ou de la comédie d’intrigue, de là l’utilité de la distinction : le titre seul en éveille en Chine des idées, des sentimens où la piété semble avoir autant de part que la curiosité. Je n’ai sans doute pas besoin de définir les drames judiciaires ; nous en avons en France beaucoup plus que nous ne voudrions. Enfin les drames ou comédies mythologiques sont de pures féeries, aussi ridicules que les nôtres, comme cette pièce des Métamorphoses, où l’on voit au premier acte « un vieux saule mâle » épouser « un jeune pêcher femelle. » Dans ces féeries chinoises il convient seulement d’ajouter que les vers, la danse, la musique tiennent lieu de décors et de trucs.

Toutes ces pièces, et le général Tcheng-ki-tong a raison d’en faire expressément la remarque, offrent avec les nôtres, et sans en excepter les drames tao-sse, les plus frappantes ressemblances. Toutes ou presque toutes elles se divisent en cinq actes: le premier qu’on appelle : ouverture ou prologue, et les quatre autres : coupures. Toutes ou presque toutes, comme les nôtres, elles se nouent et se jouent entre personnages de tout rang et de toute condition. Toutes ou presque toutes, comme les nôtres encore, elles roulent sur les événemens de la vie quotidienne : un fourbe à démasquer, un coquin à convaincre, un mariage