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serves indiennes. » Middieton lui répondit : « Faites-moi savoir où sont réfugiés vos femmes et vos enfans, je ferai suspendre le feu dans cette direction. » Un second message de Riel contenait ces mots : « Général, votre prompte réponse me prouve que vous n’êtes pas insensible aux considérations d’humanité. Je vais faire réunir les femmes et les enfans dans un même endroit et vous en aviserai. » Sur l’enveloppe il avait ajouté au crayon : « Je hais la guerre, mais si vous ne vous retirez pas ou si vous me refusez une entrevue, je maintiens ma décision en ce qui concerne les prisonniers. » Middieton communiqua ce message à ses officiers et, par eux, à ses troupes. Le sort des prisonniers dépendait de leur bravoure et de leur impétuosité. Officiers et soldats, sur un signe de leur général, se ruèrent à l’attaque. French, à la tête de ses scouts, aborda le village au pas de course, chassant devant lui l’ennemi déconcerté par son élan. Une balle le frappa à la tête au moment même où, atteignant la maison dans laquelle Riel détenait ses prisonniers, il en faisait briser les portes. Vainement Riel et Dumont tentèrent de rallier leurs hommes. La panique s’était mise dans leurs rangs. Fuyant en désordre, acculés à la rivière, bon nombre d’entre eux essayèrent de gagner l’autre rive à la nage ; la plupart, tués par les carabiniers, teignaient de leur sang l’eau, qui charriait leurs cadavres. Riel, Dumont, Garneau et les principaux lieutenans réussirent à se jeter dans une barque et à s’échapper. Le même soir, le général Middleton expédiait à Ottawa une dépêche annonçant la prise de Batoché. En même temps, un message l’avisait que le vapeur Northcote était hors de danger. À son bord se trouvait comme volontaire Hugh Mac-Donald, fils du premier ministre.

Les demi-blancs étaient vaincus, mais, tant que Riel était libre, une nouvelle prise d’armes était possible, et si Riel parvenait à rejoindre Poundmaker ou Big-Bear, la guerre pouvait se prolonger longtemps encore. Sur l’ordre de Middleton, les scouts fouillaient les bois et les abords de la rivière. Les renseignemens reçus donnaient à croire que Riel et Dumont s’étaient séparés, que Dumont avait réussi à se mettre hors d’atteinte, mais que Riel, inquiet du sort de sa femme et de ses enfans, prisonniers dans Batoché, errait aux alentours. Le surlendemain du combat, trois éclaireurs de Middleton, Armstrong, Hourie et Dript, rencontraient Riel à 1 mille et demi de Batoché, accompagné de trois de ses hommes. Les éclaireurs armaient leurs carabines quand Riel s’avança vers eux : « Inutile de tirer, dit-il ; j’allais me livrer, je veux revoir ma femme et mes enfans. » Prévenu de son arrestation, le général Middleton consigna les troupes dans leurs tentes. Il redoutait l’exaspération de ses soldats et l’assassinat de son prisonnier. Riel, amené devant lui, déclara qu’il eût pu s’enfuir avec Dumont et gagner le