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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/603

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volontairement, accomplit les œuvres méritoires, condition de son salut.


II

Il est une croyance singulière qu’Homère laisse entrevoir, qu’Hésiode développe et qui a régné longtemps en Grèce : l’envie des dieux.

Assis comme Jupiter au sommet de l’Ida, Homère voit les dieux et les hommes combattre dans la plaine, et il entend la terre qui tremble sous leurs pas ; il descend à « la prairie d’asphodèles » pour écouter les lamentables récits des âmes ; ou bien il contemple Nausicaa, aussi belle que Diane, trempant dans l’eau limpide du fleuve des Phéaciens les riches vêtemens de son père, le roi Alcinoos. C’est un poète qui donne aux dieux, aux hommes, à la nature entière la grâce et la grandeur, sans s’inquiéter de coordonner en un système toutes les idées qu’il exprime au cours de ses récits. Hésiode, au contraire, est un moraliste et un théologien qui prétend tout savoir, la genèse des dieux et celle des hommes, les différens âges de l’humanité et les maux déchaînés sur elle par l’Eve hellénique et la jalousie des dieux. Sa théorie des âges est une croyance orientale, qui a fait fortune en bien des pays ; parce que cette conception de l’âge d’or pour la jeunesse du monde et de l’âge de fer pour les siècles vieillissans, répond à une disposition de notre esprit qui, si souvent, met le bonheur dans le passé pour échapper au sentiment de maux présens ou imaginaires. À cette croyance et à celle de l’envie des dieux contre les hommes se rattachent les mythes fameux de Pandore et de Prométhée.

Les hommes et les dieux, dit Hésiode, naquirent ensemble ; les premiers étaient mortels, mais ils vivaient comme des dieux, libres de souci, de travail, de souffrance et amis de la vertu. Tous les biens étaient autour d’eux et, affranchis de la cruelle vieillesse, ils mouraient en s’endormant d’un doux sommeil. Ce fut l’âge d’or. Quand la terre eut enfermé cette première génération dans son sein, ces hommes devinrent les gardiens tutélaires des mortels ; enveloppés d’un nuage, ils parcouraient la terre en y semant l’abondance.

Les habitans de l’Olympe produisirent une nouvelle race, bien inférieure à la première, celle des hommes de l’âge d’argent, qui vivaient de longues années. Jupiter, cependant, les anéantit, parce qu’ils refusaient d’adresser aux immortels de pieux hommages ; ils formèrent la seconde classe des Génies terrestres.

Après eux parurent les hommes de l’âge d’airain, dont le cœur