Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/806

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entier de la période jurassique, du lias au néocomien et encore au-delà, la végétation européenne ne cesse de reproduire, à peu de variations près, le spectacle que le gisement de Beaune laisse entrevoir pour le corallien, que le gisement d’Etrochey, non loin du premier, fait toucher au doigt, en ce qui concerne le bathonien, et Cirin, Orbagnoux ou Armaille, auprès de Lyon, en ce qui touche le kimméridien, c’est-à-dire la partie récente du jurassique. A Beaune, il est vrai, cette réduction de la taille des plantes, cet aspect grêle, cette consistance dure et maigre semblent poussés au dernier degré, et nulle part les caractères inhérens à la flore terrestre jurassique ne se trouvent plus accentués. Les fougères ont des feuilles découpées en lobes multifides, à la fois menus et coriaces. Ces fougères tapissaient le sol ; c’était les seules herbes de l’époque ; au-dessus d’elles, s’élevaient à peine des cycadées naines dont les frondes n’atteignaient pas au quart de celles des types actuels, si répandus dans nos serres, et dont la taille pourtant est déjà des plus médiocres. Quelques conifères associées aux fougères et aux cycadées formaient les seuls arbres dignes de ce nom, arbres aux tiges rigides, aux rameaux nus hérissés de feuilles en crochets ou recouverts de plaques juxtaposées, sans grâce ni souplesse, incapables de dispenser aucune ombre ni de communiquer aux massifs forestiers aucune fraîcheur.

Cette Provence insulaire allait pourtant disparaître. Séparée jusqu’alors du pâté alpin dont le relief se prononcera peu à peu, elle était destinée à se souder à lui et, une fois cette soudure accomplie, à ne plus en être isolée. En un mot, dans le cours de la période à laquelle nous touchons, l’ébauche du continent européen, encore bien éloigné de sa forme définitive, tendait pourtant à dessiner ses premiers contours, puis à s’étendre et à rejoindre enfin les membres d’abord épars de la grande terre qui le constitue sous nos yeux. Mais, avant d’atteindre le but, que de changemens partiels et même de pas en arrière, comme il arrive à l’esquisse qu’un peintre efface à plusieurs reprises, avant d’en arrêter tous les traits !

Au-dessus de l’étage néocomien et à mesure que se déroule la craie, en avançant vers le milieu de cette grande période, on voit la mer, qui jusqu’alors avait occupé la Provence, tendre à se retirer par étapes. A chacun des étages qui se succèdent, elle perd en étendue comme en profondeur. Un jeune géologue, observateur des plus consciencieux, après avoir constaté l’uniformité, sur de grandes surfaces, des dépôts jurassiques supérieurs de Provence et étendu ce même caractère aux premiers dépôts crétacés, note cependant ce fait que le calcaire blanc néocomien accuserait déjà une diminution dans