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heureuse. Elle a été essayée par tous les pays d’élevage exotique, même par les Australiens et les Platéens, à qui la distance à parcourir, des voyages de vingt-cinq à trente jours de traversée, des climats alternativement torrides et froids, ne parurent pas des obstacles insurmontables. Les moutons ne résistèrent pas mieux que le gros bétail, et le résultat fut aussi triste que celui des entreprises dont les chevaux fournissaient la matière. Les frais de transport, la nourriture à bord, les risques qu’aucune compagnie d’assurances ne consentait à couvrir, rendaient ces tentatives trop hasardeuses pour qu’elles pussent jamais prendre rang parmi les opérations commerciales régulières. Les éleveurs avaient beau offrir pour rien les premiers chargemens de bêtes de choix, leur prix, au lieu d’origine, était trop peu de chose en comparaison des frais et des risques pour que cet avantage rendit ces affaires possibles. On a constaté que des envois de moutons ainsi faits de la Plata, revenant à 40 francs par tête rendus au Havre, ne trouvaient pas acheteur à La Villette au-dessus de 8 francs, prix de coalition qu’il était trop facile aux bouchers, qui y font la loi d’imposer à leur guise. Les États-Unis et le Canada, beaucoup plus rapprochés, ont eux-mêmes renoncé à ces entreprises : en 1882, pour la dernière fois, ils ont importé 211 têtes de bétail en Angleterre, c’est peu pour la consommation. Les seuls animaux sur pied qui pénètrent en France viennent d’Algérie, de la Russie méridionale et d’Italie ; nous avons dit que le chiffre des importations de moutons atteignait 2 millions et demi ; quant au gros bétail, il entre en nombre restreint : la France reçoit 215,000 têtes, dont 150,000 pris pour l’engraissement et le reste pour la production du lait. L’Angleterre ne reçoit plus d’animaux sur pied ; en France, même, ils sont appelés à disparaître ; déjà, lors de l’exposition de 1878, des essais ont été faits : des envois de 30,000 kilos de viande abattue arrivaient chaque jour aux halles de Paris transportés dans la glace depuis le fond de la Hongrie.

Nous touchons ici au seul système qui ait donné des résultats pratiques et qui porte en germe l’avenir de l’approvisionnement de l’Europe par les pays exotiques. C’est à la France qu’appartient l’honneur d’en avoir trouvé la solution industrielle, mais c’est à l’Angleterre que revient celui, moins brillant, mais plus lucratif, d’en avoir trouvé l’application commerciale.

Le premier essai, le plus connu, celui du Frigorifique, remonte à 1876. Il fut fait avec beaucoup de solennité. Les inventeurs avaient bien indiqué l’idée, le résultat leur prouva que la mettre en œuvre n’était pas chose si simple. Ils virent se produire, sur les rives de la Plata, ce fait imprévu pour eux, prédit par d’autres,