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proposer une sorte de liquidation. Est-ce du moins une liquidation réelle et sérieuse, qui serait encore un acte de sagesse ? Évidemment il n’en est rien dans la pensée de la commission du budget et des républicains de la chambre. On commence d’abord par nier la nécessité de la liquidation pour finir par accorder à M. le ministre des finances une partie de ce qu’il demande. Il est bien clair que ce n’est là qu’un médiocre expédient, qu’avant peu on se retrouvera dans les mêmes embarras, sous le poids des mêmes nécessités. Ce sera à recommencer, et l’erreur du gouvernement est de se prêter à cette perpétuelle équivoque. Malheureusement le ministère ne fait ici que ce qu’il fait en tout, cédant à ses alliés de l’extrême gauche pour avoir une paix qu’on lui mesure, une vie toujours disputée, toujours menacée. Il traite les finances comme il traite les affaires industrielles et religieuses, ou il ménage les passions radicales, par esprit de transaction, à ce qu’il croit, — en réalité par une faiblesse qui compromet tous les intérêts sans relever son autorité.

La politique du gouvernement, elle est tout entière dans la différence de sa conduite à cette heure même, en face de deux incidens pénibles, les grèves de l’Aveyron et cette triste échauffourée qui vient d’ensanglanter un village de l’Isère pour une cause religieuse. D’un côté, on a Decazeville, où depuis plus de quarante jours se prolonge une grève mortelle pour l’industrie, périlleuse pour la paix publique. Ce que veulent réellement les ouvriers mineurs, ce n’est plus même la question depuis longtemps. La question est tout entière dans ce fait que les mineurs ne sont plus eux-mêmes maîtres de leurs résolutions. Les vrais chefs de la grève, ce sont les agitateurs venus de Paris, jusqu’à des membres du parlement qui se sont échappés du Palais-Bourbon pour aller se faire les commis voyageurs de la révolution sociale, comme ils l’avouent. La grève a commencé par le meurtre d’un ingénieur, accompli sous les yeux des autorités administratives et municipales inactives ; elle a continué sous les yeux du parlement et du gouvernement, qui ont laissé à peu près tout faire, tout dire, et il n’a pas tenu à M. le ministre de la guerre lui-même que les soldats envoyés pour le maintien de l’ordre ne se crussent autorisés à partager leurs vivres avec les grévistes ; mais on n’en est plus là, dira-t-on ! Le gouvernement a pris une grande résolution ; il a fait arrêter quelques-uns des agitateurs qui vont être jugés, et M. le garde des sceaux a traité assez dédaigneusement un obscur député, M. Basly, qui a été considéré comme un trop petit personnage pour être arrêté. M. le ministre des travaux publics a maintenu les principes tutélaires de l’industrie des mines et a défendu ses ingénieurs. La chambre, à la suite d’une interpellation récente, a voté un ordre du jour qui laisse toute liberté au gouvernement et elle a même refusé un nouveau congé à M. Basly pour ses