Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 75.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saint-siège, son premier secrétaire ne se gêne pas pour manifester ses sympathies aux garibaldiens et ses vœux pour le renversement du pouvoir temporel. Tout le monde remarque les fréquens entretiens que M. d’Usedom a avec M. Rattazzi. Le ministre d’Autriche pense comme tous ses collègues que, s’il n’existe pas encore d’accord entre l’Italie et la Prusse, cette dernière ne néglige aucun moyen pour pousser le cabinet de Florence dans une voie qu’elle sait devoir nous susciter des difficultés. » Le cabinet de Berlin n’était pas désintéressé assurément dans les complications italiennes. Il les suivait avec satisfaction ; il ne pouvait voir avec déplaisir la France aux prises avec l’Italie, qui s’irritait des obstacles que nous opposions à ses revendications nationales, et avec le pape, qui nous accusait de poursuivre la ruine de son pouvoir temporel. La politique prussienne, à coup sûr, se serait emparée de la question romaine pour s’en faire une arme contre nous si elle avait appréhendé une guerre imminente sur le Rhin. Mais il était difficile d’admettre, — et c’est ce qu’établissait une correspondance d’Allemagne à laquelle M. de Moustier attachait du prix, — que la Prusse, avec ses dix millions de catholiques, en face du pétitionnement imposant qui s’était organisé en faveur du pouvoir temporel en Westphalie, en Silésie, dans le grand-duché de Posen et surtout dans les provinces rhénanes, voulût froidement, sans profit immédiat, se constituer l’alliée de la révolution contre la papauté. Le comte de Bismarck avait à ce moment bien d’autres soucis ; toute son attention se reportait sur le midi de l’Allemagne, où se débattaient des intérêts autrement importans pour sa politique. Les traités d’alliance qui rendaient illusoire la barrière du Mein étaient soumis aux chambres à Stuttgart et à Munich. Ils y rencontraient une vive opposition ; on les discutait avec passion ; ils eussent été rejetés immanquablement si la Prusse, qui déjà inspirait tant de préventions, s’était mise en hostilité ouverte avec les sentimens intimes des députés catholiques du Wurtemberg et de la Bavière. L’Italie, sans finances, sans armée, livrée à l’anarchie la plus profonde, n’était pas une alliée assez sérieuse pour que M. de Bismarck lui subordonnât l’intérêt allemand. En se jetant, à la suite de Garibaldi, dans une aventure dont le but était la destruction du pouvoir temporel, il s’exposait à une guerre avec la France dans les conditions morales les plus désavantageuses.

Les partisans de l’Italie à Paris n’affirmaient pas moins, et notre ambassadeur à Berlin n’était pas éloigné de partager leurs craintes, que les états-majors prussiens n’attendaient que l’embarquement de